Merci Mathieu pour ta franchise.
ce que je vais écrire risque de paraître un peu déplacé, mais j'ai l'habitude de dire -et d'écrire- ce que je pense.
Ta réponse a fait écho à la Star Académie.
Je m'explique.
Ces élèves, pour certains bourrés de talent - je veux dire, techniquement parlant- se sont tous vu reprocher de ne pas assez s'exposer. Ils chantent juste, sourient au publique, bougent assez bien. Mais la plupart du temps, à les écouter, on ressent autant d’émotions que dans la salle d’attente de son généraliste, à fredonner inconsciemment la musique de chambre qui accompagne la lecture distraite des magasines éparpillés sur la petite table basse de ce décor sans âme.
Car, ce qui motive la lecture d’un livre, tout comme pour un film, c’est l’émotion qui s’en dégage. Et cette émotion, elle ne s’extirpe pas du papier par magie, tel un élémental de vélin qui se hisserait hors de sa page par la seule force de ces bras. Non, il faut voir le papier comme un buvard, une éponge, qui absorbe les frissons d’excitation de celui qui vient s’épancher dessus. A ce titre, l’imaginaire est un formidable support, puisqu’à travers lui, c’est au monde du symbolisme que l’on touche. L’amour devient rouge, épée forgée ou lave bouillonnante. Le lutin représente la légèreté de l’enfance, l’ogre, le gros balourd bienveillant qui nous protégeait dans la cour de récréation, quand le gang adverse venait nous terroriser jusque dans les buissons donnant sur la rue.
L’émotion nous scotche aux pages. Elle nous renvoie à nos expériences personnelles, et donc, rend les faits crédibles et fascinants ; fascinants, parce que ce qu’est en train de ressentir le personnage, nous l’avons aussi ressenti un jour ou l’autre. Et de fait, ce personnage, c’est un peu nous, ou du moins, ce que nous aurions pu être.
Mais l’émotion ne suffit pas. Pour écrire un bon livre il faut de l’inspiration. Elle est le moyen qui permet à l’auteur de cueillir l’émotion qui gît au fond de lui pour aller la déposer sur le papier. Etre heureux, et dire : « je suis content », ne suffit pas. Si l’intellect aime bien la clarté, il a aussi besoin de défis, de chemins détournés. Un bon scénario motive donc la lecture. Ne pas savoir ce qui va arriver, mais essayer de le deviner. Ce n’est pas pour rien que les policiers rencontrent un tel succès.
L’écrivain essaie donc à mettre un maximum de charge émotionnelle dans ses pages, et pour y arriver, il utilise son inspiration. C’est ce transfert, cet écoulement de l’esprit d’un homme vers un support durable, que l’on appel véritablement art. Peintres, compositeurs, écrivains, tous suivent cette voie enchanteresse. Alors, on observe, tel un impressionniste qui se remplit de la magie du monde, puis on souffre, on comprime son esprit, sueur au front, pour en extirper ce qui a mis tant de temps pour y rentrer. Ca fait mal d’abattre nos précieuses barrières, celles qui nous protègent du fiel des autres. Mais, une fois nu, quel plaisir formidable que de pouvoir se sentir un élément à part entière du monde qui nous entoure. Je trouve que M.Z.Bradley exprime très bien cette idée à travers les barrières mentales que tout bon télépathe se doit de maîtriser. S’exposer, risquer, risquer ce que l’on a de plus précieux en exposant son âme, sans cage en verre, sans même un garde du corps ( ou de l’âme).
Voilà, je voulais simplement dire que je comprends tout à fait ta réponse.
Continue à souffrir pour notre plus grand plaisir, petit danseur écartelé, torturé par un obscurantiste qui n’est autre que lui-même !

C’est ça le drame des grands hommes. Ils ne peuvent qu’avoir l’esprit de sacrifice. D’ailleurs, tu le prouves en répondant à mes questions. Je ne crois pas que tu te donnes la peine de répondre à nos posts pour gonfler les ventes de tes livres. Non, ta générosité et ta sincérité sont évidentes.
Au risque de me répéter -mais ne viens-je pas de dire qu’il fallait prendre des risques ?- merci Mathieu.
Eric.