La douce lumière d’un soir, inutile conciliabule de quelques mandibules, alors que les nuages sombres, annoncent l’orage à venir.
Le hamac se balance dans la brise incertaine, cliquetis feutrés du vieux rocking-chair, comme la terrasse qui somnole, toute encore engourdie de chaleur.
Lézards habiles, qui musardent dans les lézardes disjointes du vieux crépis fané, à quand les premières gouttes salvatrices, qui formeront des cratères de poussière, sous les palétuviers en fleur.
Le bayou docile semble inerte, et je caresse mon chat feutré sous le carcan des premiers rayons de lune. Une vieille horloge sonne la glas d’une journée torride, balancelle ridée, rouillée, cassée longue comme des notes aux langueurs bien trop blanches.
Quelques airs limpides, un vieux tuba s’échauffe, ébranlant les vieux stores décrépis, clé de nos fadaises, que peuvent les mots contre, tout contre, les premiers arpèges, en fa dièse, d’un jazz qui s’éveille, enchantant nos derniers maux en trouant le trop morne silence.
Je contemple ces ombres fugaces qui se chassent, s’enlacent, se fracassent, dans une étrange nasse comme un semblant de vie … hélas !
Camisole de lin, qui me colle à la peau, comme ces souvenirs poisseux, qui n’en finissent pas, de ne jamais s’enfuir. Seras tu là un jour, douce captive de mes illusions perdues, doux leurres, douleurs lascives, que ravivent mes peurs ? Aigrelettes et hâtives, comme le berceau de mes dérives, larmes chétives d’une douleur bien trop vive.
Les mangroves passives dessinent les contours extatiques des rives du Mississipi, engourdi lui aussi, tout plein de torpeurs hâlées, comme un dernier souffle, ultime séduction.
Sourire qui s’efface, au rythme d’une musique tenace, qui prend trop de place.
Envie de pleurer, de rester, de rattraper ces accords dissonants, qui ont eu raison de nos amours naissantes, mante couleur de menthe, ma douce amante, avant que tu ne me mentes …
Les éclairs sont plus forts, au loin le tonnerre gronde, au diapason de mon âme tourmentée.
Reflets bleutés qui s’éparpillent, illuminant tes pupilles d’ophites diaphanes, étrange rose de nacre qui tranche sur le bel instrument … noir, lisse et luisant.
Mon cœur se serre, toute seule dans ce désert, où je me perds, toute entière, dans les délices de nos nuits d’autrefois.
Pourtant, au delà de toi, au delà de moi, il reste ce serment, nait sur les accords subtiles d’une magie noire.
Et ton regard qui me voit, qui me prend me saisit dans les limbes ouatées de nos brûlantes prunelles, et ta main douce, experte, qui effleure mes intimes perditions.
Ta langue incandescente, qui libère mes indécentes ardeurs, dans un tourbillon de notes juste posées, juxtaposées, murmurées à mon corps en pâmoison.
Sourires de connivence, j’ai envie de hurler, transportée par les accords majeurs de ton instrument de malheur.
Gouttes qui me transpercent, traversant le fragile tissu, tisons de glace sur mon corps brûlant, le chat bondit, s’enfuit sans un cri, et je me laisse aller, offerte, pénétrée par tes sensuelles ardeurs.
Les cordes de cette étrange alchimie vibrent à m’en faire hurler, brulent mon ventre et m’inondent toute entière, alors que s’harmonisent ton sax et la vieille contrebasse.
Dans la fumée bleutée de ce vieux café d’été, les pales usées du vieux ventilateur brassent ce mélange d’équité, et, docile, sans forces, je laisse ta musique m’envahir. Saoule et heureuse, radieuse, métamorphosée par la puissance du rythme, qui me dompte et me fascine, m’ouvrant les portes d’un ailleurs extatique, je sens fuir mes douleurs, mes larmes et mes peines, engourdies dans mes chairs par ces accords majeurs, alors que tu gonfles tes joues et que tu laissent courir tes doigts agiles, sur ce sax d’ébène, qui pleure ta vie de reine.
Magie de la Louisiane, du jazz et de la soul, je suis trempée maintenant, abandonnée, heureuse, vivant intensément ces morceaux de bonheur, d’harmonie et de démesures.
Peu m’importe la pluie, et ces grosses gouttes qui me brûlent, délicieuse souffrance, dans les faubourgs pluvieux de bâton-rouge.
Mille bises
Gaëlle
_________________ Le rêve est la raison d'un seul
La réalité est la folie de tous
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