Bonjour Mathieu,
Je sais que tu es capable de beaucoup de subtilité...
Personnellement, je trouve que le principal intérêt d’écrire de la fantasy, c’est de pouvoir y mettre un peu de l’enfant que l’on a été. C’est l’enfant qui s’émerveille, qui a peur, qui croit au merveilleux, aux mondes peuplés de fées et de lutins. Sauf qu’à la différence des contes pour enfants, la fantasy s’adresse aux enfants tapis dans les adultes que nous sommes. Car il faut une certaine maturité pour apprécier ces carnages sanglants, ces machinations politiques à grande échelle ou encore, ne serait-ce que comprendre toute la finesse d’un monde à travers ses règles sociales (et magiques) et ses subtilités qui font que le rêve devient vraisemblable, un possible dans un autre ailleurs.
Pour cette raison, c’est vrai que l’introduction –pardonnes moi le terme- de la sexualité dans la fantasy ne va pas de soi.
Cependant, si les bras chéris de notre maman nous apaisent encore et que la découverte d’une fée fait jaillir des sentiments de pureté, nous ne pouvons nier la part d’adulte qui nous habite.
La mort n’est plus uniquement la peur de perdre le cocon familial qui nous pétrit d’amour, c'est-à-dire qu’au delà de cette peur, elle est la prise de conscience (et moi, j’espère que je ne suis pas trop prise de tête) de notre propre mortalité. De même, la fée ou l’elfe aux cheveux dorés s’oppose aux formes généreuses de la maternité et propose un aspect peut-être plus sensuel de la femme. Les combats sanglants qui avaient la saveur des batailles de notre enfance dans la cour de récréation, sont aussi le pendant des joutes des mâles en rut à la saison des chaleurs, quand les cornes des béliers s’entrechoquent avec la même ferveur que les lames de nos guerriers préférés.
On voit bien que la passerelle est mince entre la délicate tendresse de l’enfant ingénu et la pulsion de mort et de vie qui dicte les moments forts d’un adulte. Comme je suis convaincu que l’on traîne tous nos oripeaux de vie, que l’on est à la fois enfant, adolescent, adulte et vieillard pour certains, la fantasy doit, à mon sens, jouer sur chacun de ses tableaux.
Comme tu es bourré de talent et que tu n’as pas ton pareil pour créer des scènes aussi allégoriques que mirifiques, je sais que tu nous délivreras un jour un peu de cette intimité ; en tout cas, quelque chose d’à la fois plus poétique que les films italiens du dimanche soir sur la 6, et de moins mielleux que Amour, Gloire et Beauté ou les bonbons roses de Barbara Cartland.
Tendrement…euh…cordialement,
Eric