Le soleil se lève sur la dune, le vent doux et tiède pousse devant lui des milliers de grains de sable qui dansent comme une nuée d’enfants. Le regard embrumé, les lèvres sèches et les membres endoloris, Kelios se redresse à genoux pour contempler l’endroit où il se trouve. Il ne sait pas ce qu’il fait là, seul au milieu du désert, perdu dans l’immensité aride et ocre d’une mer de sable et de cailloux. Il ne devait pas être seul puisqu’à quelques pas, il distingue un coffre ouvert et renversé dans le sable. Se levant péniblement, il sent tout son corps douloureusement courbaturé, ses poignets lui font mal, il remarque les marques laissées par ses entraves sans doute en corde. Faisant quelques pas hésitants , il découvre de l’autre coté de la dune , les cadavres éparpillés de keshites , apparemment des gardes , dont la plupart sont désarticulés comme si l’on avait voulu jouer à un jeu cruel avec leurs membres maintenant semblables à ceux d’une poupée sanguinolente et grotesque. L’horreur du spectacle macabre ne le dérange que trop peu, l'heure est à la survie.
Qui sont ces hommes habillés de rouge ? Qui sont ceux qui ont fait ça ? Pourquoi est-il encore en vie ?
Toutes ces questions se bousculent dans sa tête, occupant son esprit si bien que lorsqu'il revient à lui, il a déjà rassemblé toute l’eau et les vivres restantes après s’être vêtu pour affronter le soleil et la froideur de la nuit .Instinctivement Kelios lève les yeux au ciel et se dirige d’un pas lent et mesuré vers l’est.
Les dunes une à une se succèdent comme si le désert ne semblait être qu’un piège ensorcelé où le voyageur marcherait à jamais dans ses propres pas toujours plus lents et se rapprochant inexorablement d’une mort certaine. La chaleur est de plus en plus intense, les gourdes pèsent lourd mais il faut se retenir de boire malgré la soif, les blessures anodines deviennent insupportables, la marche et encore la marche, quel salut attendre pour un homme seul , ignoré du monde dans le désert ?
A bout de force, épuisé, Kelios tombe assis dans le sable,résigné.
Ses cheveux mi longs, blonds sans doute, lui tombent devant les yeux, ses mains douloureuses et desséchées retombent sur ses genoux. Le regard perdu à l’horizon définitivement morne, il distingue néanmoins dans le lointain comme un point qui se déplace vers lui. Encore un mirage se dit-il, il en a vu quelques uns depuis le début de la journée. La voix qu’il entend, poussée par le vent chaud comme le souffle d’une bête immonde, ne lui laisse pas de doute, il y a quelqu’un qui approche.
Au lieu de se réjouir, Kelios reste méfiant malgré tout, il traîne dans le désert nombre d’individus peu recommandables. Les cavaliers, semble-t-il au nombre de cinq, approchent montés sur leurs dromadaires. Le foulard bleu foncé enroulé autour de la tête ils ont l’air de fantômes glissant sans bruit à la surface du sable. Il voudrait se cacher mais il comprend trop tard que les arrivants l’ont vu. A quelques pas de lui, ceux-ci descendent de monture l’arme à la main, l’un d’entre eux reste en arrière tandis que les autres avancent vers Kelios d’une allure qui ne laisse pas de doute sur leurs intentions.
D’un geste plus vif que l’éclair, Kelios, esquivant les sabres acérés, se décale sur le coté pour se retrouver derrière le rideau de ses assaillants, il frappe vite et blesse le premier la hanche. Gênés les autres se déplacent tout en essayant d’encercler leur adversaire. Mais Kelios voit venir la chose, il ne pense plus et agit sans réfléchir, répétant des gestes qu’il devine avoir fait des centaines de fois. Dans un mouvement tournant, il passe entre deux combattants pour détendre le bras en direction de celui qu’il présume être le chef de la bande. Celui-ci, surpris, réussit malgré tout, dans un geste d’une rapidité féline, à esquiver le coup mortel à hauteur de sa gorge. Affolés, les keshites se ruent vers Kelios mais au moment de lever leurs armes, une voix retentit, sèche et sans alternative. Les armes comme des fauves déçus, une à une s’abaissent lentement, toujours méfiantes.
- Qui es tu étranger, toi qui porte les vêtements des mountaquims ? Tu ne te bats pas comme eux, tu n’es pas un des leurs.
L’homme, les yeux noirs perçants, parle d’une voix calme, celle de celui qui sait qu’il n’a rien à craindre.Son visage, presque entièrement dissimulé laisse cependant deviner un charisme animal du chef de meute et une peau tannée par les années dans le désert. Chacun de ses gestes laisse un doute sur ce que pourrait être le suivant, comme si le danger pouvait survenir à chaque instant.
- Je ne sais qui je suis, ni d’où je viens et ni même ou je suis.
- Tu as au moins un nom, étranger.
- Kelios, il me semble que tel est mon nom et toi qui es tu ?
L’homme s’appelle Murad Madjid, chef de la tribu des Madjid, surnommé le lion bleu. A sa prestance et au respect qu’il impose, Kelios se dit qu’il doit être quelqu’un d’important au sein du désert.
- Tu monteras en croupe derrière un de mes hommes, nous t’emmenons au campement.
Le chef de tribu avait bien vu la couleur et les habits de ceux qui étaient morts ici, il ne savait que trop bien ce que cela signifiait alors il avait décidé d’emmener celui qui aurait pu le tuer.
Comme s’ils suivaient une route invisible aux yeux de tous, les voyageurs avançaient bercés par le roulis de leur monture sous les rayons brûlants d’un soleil impitoyable. Au bout de quelques heures ils furent en vue d’un campement de tentes noires et bleues dont les toiles dansaient comme autant de voiles sur une mer de sable agitée par un vent capricieux et joueur.
Fayn le farfadet
_________________ Que les muses éclairent votre route.
Dernière édition par Fayn le farfadet le 25 Juin 2008, 23:51, édité 1 fois.
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