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Le Val des Ténèbres VI


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 Sujet du message: Le Val des Ténèbres VI
MessagePublié: 25 Avr 2008, 00:29 
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Safran
Safran
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
La lune blanche, presque crasseuse, odieuse et blafarde éclaire faiblement les sentes étouffées par les halliers serrés.

Les louves trottent doucement, nez au sol, portant chacune un lutin, bien arrimé sur son dos.
Serpentant entre les buissons denses, elles arrivent à l’orée mortifère du terrifiant bois des osselets.

Jamais forêt n’a inspiré tant de craintes à quiconque s’aventure dans les Baronnies.
Tant de choses s’y sont déjà passées selon les légendes qui entourent ce lieu maudit.

Terrifiés Sévénole et Miscellia s’accrochent très fort aux poils longs du cou des louves qui s’enfoncent toujours plus avant dans ce dédale inextricable de troncs disgracieux et difformes, qui semblent hurler à la lune quelques infamies sépulcrales et mortelles.

Les louves trottent doucement, la neige totalement immaculée, ne recèle aucune trace, quelle soit animale ou autre, rien, comme si la vie s’était arrêtée en ces lieux.

Inconsciemment les deux animaux ralentissent encore, comme si leurs sens aiguisés les prévenaient d’un danger récurent et implacable.

Ils s’engagent dans une sente plus encaissée que les autres.
De part et d’autre, les talus rectilignes se dressent jusqu’à disparaître dans une brume lointaine qui semble chapoter les troncs, bien loin au dessus d'eux.
De longues chevelures de terre et de racines mêlées, tombent le long des parois gelées.
D’immenses stalactites dressent leurs fanons rigides et droits comme les cordes d’une harpe géante, dans lesquelles viennent mourir les vents perdus tout pailletés de lune.

Une étrange symphonie sourde de ces terres étranges et terrifiantes, comme un sourd battement de cœur, et quelques accords cristallins, dénués de sens, sortes de sifflements ordonnés sinistres et glauques.

Les louves sont maintenant au pas.
Elles semblent être sur le qui-vive, prêtes à parer une menace qui se fait de plus en plus sentir.

Pas un animal ne fait entendre sa voix dans ces contrées mortifères.

La sente monte directement vers un contrefort ordonné, les deux lutins, terrifiés, essayent de se noyer dans les houppelandes protectrices de leurs montures, mais Sévéole ne peut retenir ses dents de claquer.


***

- Mais dépêche toi voyons, tu sais bien que je dois être prêt à partir dans quelques instants. Isare prépare mon cheval, il faut que je rejoigne le vieux veilleur !

- Jehan, au nom d’Ardenceuil, et des habitants de ce havre de paix, jadis épargné par les folies de l’Harmonde, je te donne pour mission de retrouver Rescal et de lui venir en aide.
Nous allons au devant de temps plus troublés qu’il n’y paraît. Les astres forment quelques sombres conjonctions et la lune se pare de ce rouge de sang qui nous est si familier, juste présage des chaos à venir !
Je te donne ces armes, dont le métal mêle sa quintessence à celle de vieux artefacts sacrés, que nous gardions ici pour le pire !
Je sais que tu sauras en faire bon usage, et qu’ainsi paré tu ne pourras écouter le funeste discours des hordes démoniques.

Mais ne perds jamais ces trois pièces en même temps, sinon il en serait fini de nos espérances !

Cette épée longue saura te défendre dans l’honneur, ce bouclier saura retenir le coup qui devait te gracier, et enfin, cette dague, saura te servir à éradiquer le monde de son démon masqué !

Ne l’utilise à rien d’autre, ou tu lui enlèverais alors, tout pouvoir !

- Merci Père Quentin, je saurai faire honneur à ce que vous venez de me dire. Et si je devais y laisser ma vie, n’ayez pas de remords, je fais le choix de sauver ma mie, et la baronnie de Farmence.
Merci mon bon Fatteau, je sais que tu as forgé sans relâche ces merveilleuses armes durant les dix dernières nuits. Je saurai m’en rendre digne, je te le promets !

- Oui Jehan, je le sais, mais avant que tu partes, il faut que tu nommes ton épée, il en est toujours ainsi avant qu’elle ne se tache du sang des fous !

Soudain le jeune apprenti de la forge dévoile l’épée longue à Jehan en soulevant un fin voile de tissus qui la recouvrait jusque là !

De sa vie Jehan n’a jamais vu de si belle arme !

Longue de plus de quatre coudées, elle est faite dans un métal sombre aux reflets de bronze. Son fil est d’une pureté et d’une droiture extraordinaire, la lame est ornée, en son centre, de délicates arabesques dorées, exécutées par poinçonnages et remplissages à l’or liquide.
La garde représente une sirène bicéphale, dont les nageoires caudales s’écartent sur la naissance de la lame.
Une gemme verte éclaire l’un des visages de cette splendeur, alors que de l’autre côté, la couleur de la pierre donnant vie à ce délicieux regard est d’un rouge profond.

Parfaitement équilibrée, cette épée n’a pas de prix !

Le bouclier totalement rond, représente, en son cœur, les armes de Farmence (une tour noire et carrée dominant une épaisse forêt) joliment enchâssées dans un ornement raffiné.
Un lambrequin, figurant une étoffe découpée en forme de feston, pend autour du casque et embrasse l'écu merveilleusement sculpté.
Deux sirènes se font face et servent de support à l’écu.
Sous la terrasse, un listel aérien supporte la devise de Farmence : Toujours garde le verrou de Crânaterre !

La dague quant à elle est simplement unique.
D’un seul tenant, un corps de sirène donne naissance à une lame effilée, torsadée comme un kriss, faite dans un métal plus sombre que le bronze de l’épée.
La tête de la sirène, superbement ouvragée, permet à celui qui utilise cette splendide arme de bloquer son pouce et de donner ainsi, une pression décuplée sur la lame.

La finalité est parfaitement évidente, il s’agit d’une arme destinée à tuer en un seul coup.
De plus, parfaitement équilibrée elle aussi, elle peut être utilisée comme un couteau de lancer.

Médusé et ne sachant que dire, Jehan regarde le vieux forgeron, le regard embué. Soudain une larme coule sur sa joue et tombe sur la lame. Elle diaprait instantanément dans une traînée de fumé blanche.

- Quel, quel est ce prodige Fatteau ?

- Je je n’en sais rien, le forgeron semble totalement ahuri. Il touche la lame qui est parfaitement froide. Pourtant il a vu, comme tout le monde, cette larme s’évaporer au contact de l’épée qu’il avait lui même forgée. Il crache sur la lame, mais rien ne se passe, aucune réaction. Il essaye en l’aspergeant d’eau, rien encore.

- Il se peut qu’elle ne réagisse qu’aux larmes, intervient Annette.

- Alors je l’appellerai « Valombre », décida Jehan !

Chacun se tait, l’instant est rare, unique, impérieux.

- Que cette épée puisse me permettre de sauver Ysane des griffes de Mortcombe, et me guide vers la victoire intima t il, mettant un genou à terre.

Tous applaudirent alors, et la cour du couvent se transforma, un instant, en lieu de liesse et de joie.


***

-Tu me convoques tous les habitants de Mortcombe Yvetot, je veux être marié à Ysane dès que possible !

- Mais, mais, enfin c’est à dire, je trouve, enfin, d’est un peu prématuré Sire, ne trouvez vous pas ? Et puis elle n’a plus rien à vous offrir, tout ce qui lui appartenait a été rasé par vos soins méticuleux !

- J’ai dit ! Bourrique, si fait …. Elle peut encore m’offrir la légitimité ! Comprends tu seulement cela bougre d’andouille ?

- Oui Sire, mais …

- Enfin quoi, il n’y a rien à rajouter, il en sera fait ainsi ! Prépare tout, afin que l’on célèbre mes épousailles à la prochaine lune pleine.
Je veux être le prochain Baron de Farmence et régner sur ces maudites forêts !

- Bien, bien messire, je vais donner les ordres …

Il se retire en marmonnant quelques propos inintelligibles.
Ce qui le tracasse le plus ne sont pas les ordres de son Maître, mais bien plus le fait qu’il se soit attaché à Ysane depuis son incarcération.

Très vite, après l’incident de la place, il l’a fait préparer, et l’a mise dans sa propre chambre.
Ainsi, ligotée, entravée, réduite à l’état de proie, il n’a de cesse, depuis, de se vautrer sur ce corps superbement sculpté, et de l’obliger à subir tous les outrages qu’il souhaite expérimenter sur elle.

Et voilà que le Baron s’intéresse à cette pucelle, lui dont l’attirance pour les jeunes garçons est presque de notoriété publique !
Chacun sait qu’il n’a que faire de cette magnifique jeune fille, si ce n’est usurper une certaine légitimité !

Décomposé, il descend les escaliers froids de la grande tour en maugréant !
Diantre, que la politique est hasardeuse, changeante comme un amour de printemps !

***

D’un bond instantané, la louve a esquivé la terrible attaque.

Désarçonnée, Miscellia gît sur la neige, tout contre le talus qui la domine, à cet endroit, de plusieurs mètres.
Fou de douleur, Sévénole saute lestement de la seconde louve et court vers sa bien aimée en criant :
- Je te l’avais dit Miscellia, il n’y a rien de bon à venir en cette forêt ténébreuse, ô ma mie, comment vas tu ?
As tu mal quelque part ?
Que puis je faire ?
Réponds moi ma douce, je t’en prie !

Fuyante et extrêmement rapide, l’étrange assaillante se ramasse à nouveau, prête à bondir, d’une détente fulgurante.

Les deux louves se sont regroupées, les oreilles baissées, le poil hérissé, les crocs en avant, elles rampent vers leur agresseur.

Leurs mâchoires s’agitent mécaniquement de claquements brefs et sinistres, tant elles semblent avoir envie d’en découdre.

Leurs yeux fixent cette étrangeté avec fascination et lucidité.
Un léger feulement siffle au travers de leurs gueules menaçantes.

Mi femme, mi panthère, d’un noir de jais, ramassée sur elle même, elle semble les guetter, ses yeux d’un vert soutenu les fixent sans sourciller.

Jamais les louves n’ont le souvenir d’avoir entendu parler d’une telle créature.

Ses déplacements sont imprévisibles et foudroyants. Longue de plus de deux mètres, toute en muscles saillants, elle a, à l’instar des sirènes, le haut du corps comme un buste de femme, harmonieux et sculptural, dénudé et musculeux.
Au delà de son nombril, elle devient une puissante panthère noire, au pelage soyeux et lisse.
Ses pattes se terminent par des griffes rétractiles aiguisées comme des poignards longues de trois bons pouces.

Enhardie par l’immobilité des louves, elle se redresse soudain et s’envole littéralement, prenant appui contre la falaise formée par le talus, détruisant plusieurs stalactites d’un diamètre plus grand que celui d’un bras, avec une facilité déconcertante, elle se positionne à l’arrière des louves, qui se retournent en même temps, mais ne peuvent éviter l’attaque, qui cette fois leur arrache à chacune d’elles, une partie de chair sur leurs flancs découverts.

Rapidement le sang poisse la neige, alors que, folles de douleurs, elles se jettent ensemble sur la bête.

L’une d’elles arrive à refermer ses mâchoires puissantes sur le buste de leur attaquant, lui arrachant un sein et lui ouvrant la poitrine, alors que la seconde se voit totalement esquivée par cet être bien trop rapide.

Quiconque se retrouverait seul face à cette chose, n’aurait aucune chance de s’en sortir vivant pensa t’elle en se rétablissant à l’opposé du combat.

D’une pirouette experte, la panthère se lance sur celle qui venait de la blesser, griffes en avant.

Ses pattes et ses mains entrent facilement dans le poitrail découvert de la première louve, qui hurle en se retournant.

A cet instant, anticipant avec précision l’endroit où elle allait tomber, emportée par son élan, la seconde louve referme ses crocs sur la nuque de l’être panthère, et lui brise le cou d’un seul coup.

Dans un hurlement strident la bête terrassée tombe sur le côté.
Le sang s’écoule de ses plaies béantes, il est noir et épais.

Délaissant sa victime, la seconde louve s’approche rapidement de sa sœur.
Les blessures infligées par les griffes sont profondes et saignent abondamment.
Celle ci se couche sur la neige, espérant que le froid atténuera un peu la douleur lancinante qui lui brûle le ventre.

- Attendez, attendez, je sais ce qu’il faut faire, dit Sévénole en accourant.

Il puisait déjà quelques herbes dans son sac rebondi, et une poix aux effluves de résine.
Mélangeant hâtivement ces ingrédients, il fit une sorte de baume, qu’il appliqua consciencieusement sur le corps de la louve.
Puis se dirigeant vers la seconde, il lui proposa aussi un peu de cet onguent, qu’il étala avec précaution sur les plaies sanguinolentes et les chairs lacérées.

Miscellia arrivait doucement, encore titubante et sonnée par sa chute.

Une bonne heure s’écoula ainsi.

Peu à peu les louves reprirent un peu de leurs superbes, et ensemble ils reprirent leurs progressions avec prudence, s’enfonçant toujours plus dans ce milieu hostile.

L’aube ne devait pas être loin, lorsque soudain, ils arrivèrent au sommet d’un vallon, et découvrirent sidérés, dans une immense clairière, une cité totalement désertée.
Celle ci avait du être riche, jadis, elle s’étendait sur plusieurs lieues, entièrement protégée par des murailles dont la plupart restaient encore debout.
La signature de l’Equerre transpirait par toutes les pierres, de cette majestueuse ville perdue.
En fait de clairière, il s’agissait d’avantage d’un cirque fermé au Nord par une paroi verticale, qui semblait emprisonner les lueurs glauques de la lune.
En fait, à bien y regarder, il s’agissait d’une cascade entièrement gelée, qui occupait la totalité de la falaise. De nombreux baraquements délabrés entouraient le lac que formait toute cette eau, venue des hautes terres des monts d’Ocrelune.
Au centre du bourg, de nouvelles murailles abritaient un corps de logis principal flanqué de quatre tours rondes, et surmonté d’une tour carrée, noire et sinistre.

Bizarrement, les lutins se dirent que les tours semblaient d’avantage avoir été construites autour de la tour carrée, afin de la protéger de l’intérieur, plutôt que mises là pour protéger cet étrange donjon d’une attaque venue de la forêt.

Quatre hautes cheminées de pierre se dressaient dans le ciel de la clairière, sises aux quatre coins de la cité.
De nombreuses dépendances, en plus ou moins bon état, hantaient encore ces terres de nuit baignée.

Les maisons encore en bon état pour la plus grande part devaient pouvoir abriter plus de cinq cents âmes, ce qui montre l’importance de cette cité, semblant être à jamais ensevelie dans ces forêts terrifiantes.

Un peu à l’écart, le plus près de la forêt, une grande bâtisse semblait avoir été une école, ou une académie, tant son architecture était caractéristique.

Elle était entourée d’un immense cimetière, ceint de murs éboulés pour la plupart, et dans lequel on devinait quelques somptueux mausolées.

- Ainsi voilà Crânaterre, murmura Miscellia, saisie par l’effroi que lui inspirait la seule évocation de ce nom de sinistre mémoire dans les baronnies.

- Tristevent maintenant la corrigea Sévénole, depuis la bataille de la forêt des osselets !

- Oui, quoi qu’il en soit j’en ai froid dans le dos !


Ils ne bougeaient pas.

La tour noire, carrée, semblait être très ancienne, mais parfaitement conservée.
Ils regardaient la façade absolument lisse, percée de quelques fenêtres étriquées.
Du lierre semblait être mort le long des murs, il pendait sinistrement, balancé par le vent.
Les pierres étaient noires, comme si elles avaient été teintes avec de la suie. Le sentiment de verticalité était d’autant plus suggéré que les autres structures architecturales étaient rondes, ouvragées et ornées de courbes gracieuses, de renfoncements et de mille imperfections qui les rendaient bien plus prosaïques.

A cet instant un corbeau croassa dans la lune !


[A SUIVRE ...]

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