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Le Val des Ténèbres I


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 Sujet du message: Le Val des Ténèbres I
MessagePublié: 25 Avr 2008, 00:23 
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Safran
Safran
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
Le val des ténèbres

Le grand homme attend sagement devant les ruines fumantes des restes de ce vaste castel. L’air est presque irrespirable, trop de temps que ça brûle, depuis le milieu de la nuit, lorsque les hordes de guerriers sanguinaires ont attaqué l’altière bâtisse. Le glas désoeuvré sonne, régulier, depuis plusieurs heures, et des dizaines de corbeaux se perchent sur les hautes branches des arbres séculaires qui surplombent l’enfer.
L’odeur des chairs brûlées est intolérable, et pourtant cela ne semble nullement le gêner. Enchaînées derrière son cheval noir, trois merveilleuses filles, à peine pubères, entièrement nues, pleurent doucement, essayant parfois, dans un geste dérisoire, de rouvrir le cercle de métal qui enserre leurs cous graciles. Leurs longs cheveux blonds tombent en cascades jusque sur leurs hanches, et leurs peaux blanches, maculées de boue et de suie, montrent combien elles semblent être de haute lignée.
Le grand homme épaule consciencieusement son arbalète, et décroche un carreau qui se fige sur un homme sans âge, qui essaye de sortir en toussant des décombres incandescents. L’innocent tombe lourdement sur les cendres amoncelées, les yeux étrangement arrondis sous l’effet de la surprise.
Habitué à ces salves destructrices, le cheval du grand homme ne se crispe même pas, juste une légère ondulation de sa robe soyeuse lorsque la corde se détend brutalement.
Impassible le grand homme retend à deux mains son arme de mort, il en est ainsi depuis l’aube, depuis qu’il surveille le brasier, ne laissant pas un être sortir vivant du foyer.
Les filles hurlent et se lamentent à chaque détonation, conscientes de voir ainsi mourir tous les survivants.
La lune ronde éclaire faiblement les ruines fumantes qu’un vent froid attise sourdement. Les premiers flocons tombent doucement, balancés un instant dans l’irréelle moiteur de ces nuées chaudes qui s’enivrent encore des derniers brûlots. L’âcreté de l’air est abjecte, pleine de résidus charbonneux qui dansent une ronde absurde avec les blancs flocons. Noir et blanc se mêlent dans les vastes forêts des terres du Nord valse débile des contraires contrariés.
Les filles angoissées voient avec horreur leurs peaux subir les brûlures du froid de ce début d’hiver, formant rides et ecchymoses violacées sur leurs corps graciles.
Au loin les loups se rapprochent déjà, poussés vers les forêts plus accueillantes en hiver que leurs plaines enneigées des hautes vallées montagneuses, qui barrent l’horizon lointain, d’une longue échine géante de rocs et de pics infranchissables, cachant les étendues démontées de la mer hurlante, qui drosse ses lames vertigineuses le long des à pics verticaux, loin là bas, au Nord des terres du Nord.
Voilà plusieurs heures que plus rien ne bouge dans le carcan incendié de ce vieil édifice. Le grand homme ne peut s’empêcher de sourire, il se retourne sur sa selle, dévisage les trois jeunes filles, et éclate d’un rire tonitruant et guttural qui fait piaffer son grand destrier noir. Là bas, derrière lui, quelques corbeaux s’envolent mollement, surpris.
Dans un fracas épouvantable, la charpente de la chapelle du fort cède brusquement, entraînant sous son poids un pan de mur entier, qui tombe dans les gravas, soulevant un nuage de suie.
Le glas résonna encore quelques instants avant de se taire à jamais.

- Ha Ha Ha même votre Dieu débile vient de vous trahir, vous voilà orphelines maintenant, vous êtes miennes, et je vais m’occuper de vous….

Sidérées les trois sœurs virent avec horreur cet éclat cupide, avide et sadique briller dans les yeux de leur ravisseur.

- Bien il est temps d’y aller, plus personne ne sortira jamais de ce four !

Joignant le geste à la parole, le grand homme éperonna son cheval, qui se cabra avec élan, les chairs à vif, pour prendre une allure rapide, projetant les trois pucelles par terre, et les traînant dans la boue neigeuse et les feuilles mortes des sous bois gelés.

Une ombre pourtant se glisse encore hors du champ de ruine, un homme athlétique, les yeux rougis par les fumées, et le visage méconnaissable, tout grêlé par les flammes. Le grand homme qui s’enfuit ne peut pas le voir brandir un poing vengeur à son encontre, par delà les halliers tout blanchis de givre.


[A suivre ...]

Mille bises

Gaëlle

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