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Le secret d'Amelune III


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 Sujet du message: Le secret d'Amelune III
MessagePublié: 25 Avr 2008, 00:19 
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Safran
Safran
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Inscription: 17 Sep 2007, 06:50
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
La foule se fendait en deux, laissant passer la chaise à porteurs aux armes du Palais princier.

Tous s'écartaient vivement, courant même derrière elle, afin de voir quelles suites allaient être données à ces horreurs.

Anderse et Toscania en sortirent, visiblement fort contrariés.

Quelques hauts gardes du palais les encadrèrent, aux aguets. Ils
entrèrent dans la petite cour, par la porte cochère qui baillait,
dégondée et lamentable, pareille à cette terrible méprise.

Il ne restait plus un mercenaire vivant. Ils avaient tous été
terrassés par la magie de l'Accord. La méprise avait été d'ignorer la
dangerosité du fifre.

Anderse se caressa la moustache, signe, chez lui, d'intenses réflexions.

Quelques lutins désemparés, veillaient leurs frères ensanglantés.

Combien de survivants dans les rangs de la petite confrérie ?

Une vingtaine tout au plus. Il ne restait plus un sage, les Maîtres, érudits et lettrés avaient essayé de parlementer dès le début de l'attaque, essayant de comprendre la raison d'une telle injustice. Ils avaient été balayés les premiers, victimes de la folie des hommes.

Toscania jeta un regard circulaire sur la petite cour. Il nota la présence d'habitants, nombreux, armés, qui avaient aidé les lutins à résister aux mercenaires. Sans encore se l'expliquer, il sentait confusément monter en lui une grande fierté pour ses sujets, dignes habitants d'Amelune, qui n'avaient pas hésité à braver les dangers pour aider les Saisonins. Il savait qu'un ciment extraordinaire, fort et inaltérable venait de prendre corps dans sa ville, liant ses sujets à ces rues, ces places, cette armonie
unique, comme avant, il y a si longtemps.

Au loin les cloches des tocsins se turent, un instant, avant de se transformer en glas.
Anderse se faisait expliquer l'attaque. Il avait reconnu Brabeck dans
la description fidèle que lui restituaient la foule et les lutins.

De partout des âmes charitables arrivaient pour soigner et aider les
survivants, ou s'occuper des morts. On vit même une jeune femme à la
crinière rousse, les cheveux torsadés, ramenés en arrière par une
longue natte, qui donna un coups de pied dans le corps agonisant d'un
mercenaire. Elle lui crachat même au visage.

Anderse releva qu'elle portait une chaîne autour du cou, à laquelle pendait une libellule. Son regard ardent et altier exprimait à lui seul, la révolte des Amelins, et concrétisait cette étrange fraternité citadine.

[...]

Hummeline et Perpetri se restaurent aux côtés de Méphiles. Sur la table quelques corbeilles de fruits rares, des grovièses par exemple, récoltées dans les jardins, sous les palmiers. Ce long fruit à mi chemin entre datte et banane est réputé pour sa saveur sucrée.

Quelques estècles rouges et brillants attirent le regard. Cette sorte de goyave juteuse à la pulpe rouge sang, est une des denrées les plus rares des royaumes.

Mais ils pensent à autre chose. Ils entendent le tocsin, puis le glas, ils savent, inconsciemment, elle l'avait prédit il y a longtemps déjà. Les frères de la petite flûte y étaient préparés.

Leurs mains se serrent, ils souffrent !

Méphiles suit les larmes qui coulent sur leurs joues jointes. Il a mal, lui aussi, il sait que de cette terrible épreuve naîtra la sublime cohésion de la Cité des sages. Il sait pourquoi le Conseil des Mères a si vite répondu à son appel. Le temps est au changement, l'intrigue se noue, Amelune vit ses premières heures de ville libre.

Sans un mot il se lève, aussitôt imité du lutin et de la fée noire.
Ils marchent silencieusement dans un dédale de couloirs éclairés par de lourdes torches accrochées au mur par de larges volutes en fer forgé.
Par delà les vitraux, par delà les murs du sanctuaire, le soleil se lève, rouge, sur un paysage sanglant.

Ils descendent de larges marches, taillées à même la roche. L'escalier hélicoïdal tourne autour d'un piton de granit noir. Il s'engouffre dans une large grotte volcanique, d'où suinte une eau limpide et cristalline, qui tombe immuablement dans une vasque ciselée en acanthe. Celle ci est transparente, et l'eau y goutte, régulière, rythmant la scène d'un indicible tempo. Le sol est plutôt chaud, les sources bouillantes sous la ville en sont sans doute la cause.

La caverne est obscure, de larges voûtes naturelles se rejoignent en cintres exquis, grandiose et naturelle architecture. Une teinte rougeâtre irise la grotte. On distingue une large rivière silencieuse, qui coule, rapide et vive par endroit, s'élargissant soudain dans une anfractuosité immense. Deux gigantesques stèles supportent la voûte. Deux hommes puissants et solides, qui semblent veiller sur la petite île que l'on découvre au milieu de la rivière souterraine.

Sur celle ci une vénérable assemblée, composée de fées noires. Elles sont au nombre de quatre. L'une d'elle, la plus âgée sans doute, fait un geste en direction des arrivants. Sa voix lente et charismatique envahit la voûte et accueille les trois amis.

- Bienvenue Hummeline la douce. Icône matriarcale, ta place est à nos
côtés, cette fois encore.

D'un geste elle crée une passerelle de cristal, qui enjambe la rivière et vient mourir sur la plage de sable noir.
Hummeline se retourne, embrasse ses amis, et franchit la fine dentelle de givre, qui lui fait rejoindre ses sœurs. A chacun de ses pas, la mince passerelle disparaît derrière elle.

Perpétri se demande soudain, en regardant les ondes, s'il ne s'agit pas plutôt de lave en fusion, que charrie cette rivière souterraine et mystérieuse.

A quelques pas derrière lui, Méphiles se retire.

Hummeline est saluée avec chaleur par ses sœurs, qui se rassoient, toutes rapidement, sur des strapontins de jade, creusés dans la masse.

- Cinq ! Comme la main qui s'avance fébrile et qui livre ton destin !

- Cinq, Perpétri, réunies en urgence pour discuter de ta requête. Le Conseil des Mères d'Amelune t'écoute maintenant. Parle mon ami, scelle ton Destin, et les nôtres par la même occasion !

Perpetri est seul. Intimidé par le cérémonial, il tord son bonnet entre ses mains jointes. Il retrace les grands moments de sa longue vie, ses chimères, ses rêves les plus fous, ses sottises, ses erreurs, ses fautes, ses joies, ses peines, ses réussites, son épouse, ses illusions.
Les images s'entrechoquent dans son esprit, elles glissent, se disputent, se mélangent, et tout cela ne dure que quelques instants.

La sueur ourle son large front plissé. Il a la gorge sèche. Il sait qu'il doit tout dire, se lancer, il n'est que temps ! Prenant la plus grande inspiration dont il soit capable, il se concentre et explique :

- Mes chères Mères, ô sages d'entre les sages, il faut que vous me pardonniez toutes les inepties que je risque de dire, tant l'effroi me glace les sangs. Jadis Hummeline la Mancienne, me prédit ce jour.
J'étais sot, alors, il y a de cela près d'un siècle, et je crois que j'ai ri à ces évocations. Moi, pauvre petit lutin, fils de Chêne le grand, du clan des `syl, allait avoir une influence sur la destinée de la cité d'Amelune. Moi, fils des bois, devrait aller sauver une cité de pierres. Il est vrai, qu'aujourd'hui encore cette étrangeté me fait sourire. Mais depuis trois lunes déjà, la prophétie se réalise, mot pour mots. D'abord mon arbre, le grand chêne, l'Arbre illustre de la chênaie s'écroule comme fétu de paille. Victime de la magie d'une Méduse puissante et déterminée. Puis je quitte mon clan, mon passé, reniant mes racines, pour entrer en Amelune. J'y retrouve Hummeline, ma préceptrice, ma Tante, qui m'a tout appris de l'Accord de la petite flûte. Je revois mes amis, lutins, frères de la confrérie, ceux là même qui aujourd'hui sont morts. – Les larmes coulent sur ses joues – du fait de ma venue. Combien ai je de veufs, de
veuves de la petite espèce sur ma conscience ? Combien de petits corps terrassés par la folie d'une Méduse, la folie de l'ombre, la folie du Masque ! Mères pardonnez moi. Aujourd'hui je viens vous voir, pour vous demander une grâce. Vous savez combien ce sacrifice était important pour l'Âme de votre cité, mais bien au delà c'est l'équilibre des royaumes qui se joue ici. Pensez donc, une ville en révolte, des humains qui risquent leurs vies pour sauver des Saisonins de la folie du Masque … L'équilibre, le précieux Équilibre des Mondes, l'Harmonde et sa coupe, le calice du Centresprit. La folle entente des races, qui se soulève en fratrie pour combattre les Ombres. L'ineptie, l'antique quête de l'Harmonie des peuples, luttant main dans la main pour anéantir l'obscure éclipse, ravageuse d'équilibres. La renaissance des Muses, des Dames, des Saisons, l'abdication du Masque et de ses obscurs serviteurs. Dans le chemin du fils de Rocheronde, je souhaite vous demander d'accéder à ma demande, afin d'illuminer cette ville et ses alentours des flammes de l'inspiration. Faites d'Amelune un exemple, un symbole en ces périodes longues et troubles à l'équilibre précaire. Laissez à nouveau quelques initiés profiter de votre immense savoir, ne laissez pas s'éteindre les traditions, les sorts, les évocations de votre fascinante sapience. Offrez votre Don à quelques inspirés, afin qu'ils puissent perpétrer votre Connaissance par delà les frontières des royaumes, oeuvrant à la réunification des terres, à l'union des peuples, à la déstabilisation du Masque. Songez à la renommée d'Amelune, première cité des Royaumes à offrir une vision unie des peuples. Première cité des Royaumes à s'être débarrassée de la noirceur ! Osez réveiller Ardaline la Merveille qui protège Malécueils. Rassemblons nos forces, et forçons cet injuste destin dont nous sommes les tristes héritiers.

Il se tu, essoufflé.

Le temps passa, lentement, sereinement, loin de l'agitation de la
ville et de son second niveau.

Puis une voix sèche mais claire emplie la caverne.

- Perpétri, sais tu seulement ce que tu nous demandes ? Si nous cédons à ta requête, jamais plus Amelune ne sera tranquille. Chaque agent du Masque infiltrera cette dernière, afin de se rendre maître de l'indomptée, afin de terrasser la rebelle, l’insoumise, et plus jamais nous ne saurions être heureux, ici !

- Permettez moi d'insister, Ma Mère, mais au contraire, les récents évènements nous ont montré qu'Amelune possède un Trésor inestimable, capable de tenir en échec le Masque et ses perfides. Or c'est la seule et unique Cité qui peut se réjouir d'avoir une population d'Inspirés. Jamais encore, de par les Royaumes séculaires, j a m a i s, m'entendez vous nous n'avions vu une population entière se
retourner contre des Mercenaires pour sauver des Saisonins. C'est là
l'Indice, la flamme que nous ont laissé les Dames. Aujourd'hui un nouvel esprit est naît, ici, à Amelune, ce n'est pas un rêve, ni même une utopie, c'est une vérité Historique.

- Sais tu que le sang sèche vite, lorsqu'il entre dans
l'Histoire ?

- Oui, Mères, oui, mais de votre décision dépend le salut des Royaumes. Osez, Osons reconstruire !

Plusieurs longues heures égrainèrent leurs secondes au rythme des gouttes d'eau. Un long conciliabule ponctué, parfois, d’éclats de voix, fit suite aux déclarations de Perpétri. Enfin, une Mère se leva, sentencieuse, et parla, d'une voix laconique et fatale :

- Soit mon petit Ami, tu as su ébranler nos vieux cœurs. Nous sommes
d'accord pour te léguer nos Dons, nous voulons le bien de notre cité,
et les répercussions de notre décision sur le reste des Royaumes sont
mille fois plus importantes, que les risques que nous encourrons, qui
sont, il faut l'admettre néanmoins, très présents. Nous espérons
faire d'Amelune un Exemple de tolérance à l'égard des races au sein
des Royaumes, et nous souhaitons que ce symbole conserve à jamais le
faste et la pureté qu'il revêt aujourd'hui. Mais il n'y a pas pire
qu'un symbole qui s'écroule sur ses bases, car c’est la fin de l’espoir. Va Perpétri, apprends, consignes, répands nos secrets, telles sont maintenant tes tâches, mènes les à bien, et au péril de ta vie. Tu as notre confiance. Que les Muses veillent sur toi, lutin.

- Merci, merci, Mères attentives et opiniâtres. Que votre sagesse dépasse les murs de cette Cité exemplaire, et qu'elle gouverne bientôt les nouveaux Royaumes.

Il resta longtemps encore dans cette grotte, puis, avançant prudemment, il se dirigea vers l'escalier, comprenant à demi quel sera dorénavant son Graal et sa seule raison de vivre.
Il tâta sa flûte, amie fidèle, à travers la flanelle de sa poche, et remit son bonnet.
Demain il apprendra des Fées noires, puis il parcourra le monde pour répandre la nouvelle, pour donner l'exemple de sa Cité… d'adoption. En retrouvant la grande salle, dans laquelle il avait mangé, il sut que la nuit était là, depuis déjà longtemps. Il s'accouda aux balustres d'une grande terrasse, regardant
la ville et son dernier niveau. Dans le Palais du Régent on donnait une
fête, les parcs illuminés accueillaient des couples insouciants et heureux.
La musique entraînante des danses arrivait assourdie à ses oreilles de mélomane. Le parc, ses jeux d'eau, ses bassins immenses, ses toitures dorées dans cette nuit si calme … il rêvait sans doute.


- Une Méduse dîtes vous ? Non, je n'en ai pas vu passer depuis bien
longtemps.

- …

- Avec vous de surcroît ? Non mon petit Ami, vous êtes dans l'erreur.
Je n'ai pas le moindre souvenir de vous avoir hissés, vous et cette diablesse, jusqu'au second niveau.

- …

- Oui, excusez moi, Mon Prince, il est vrai que vous n'êtes pas mon
Ami…


Sur la grande place octogonale, un homme pendait au gibet, lamentable pantin désarticulé, ondulant au moindre souffle de vent. Les gens crachaient en le voyant … et dire qu'il avait été longtemps le chef
mercenaire le plus craint et le plus respecté de tout Malécueils.

Il ne vit jamais cet homme courbé, qui trottait vers les larges escaliers de l'autre palais, il ne vit pas non plus le large sourire qu'il abhorrait, ni son teint de cendres, et ses longs cils gris. Il ne sut jamais qu'Agone souriait, heureux de voir une relève s'affirmer, qui plus est, relève conduite par un Saisonin inspiré accordé et sous les sages augures d'une autre fée noire.….

Cent six tombes fraîches augmentaient le petit cimetière au bas de la
rade. Quelques vies utiles, dont le sacrifice avait permis de faire reculer Le Masque, et ouvert les portes de la Renaissance.

Depuis, on dit que par les nuits de pleine lune, on entend de la Cité les mille Accords des flûtes et fifres de ces lutins de la petite confrérie de la petite flûte. Morts en héros, grands sages inspirés.

On dit aussi, que par delà les landes, quelques arbres gigantesques ont étalé leurs ramures au dessus des petits îlots de terre, afin de protéger les Âmes des frères des clans des chênaies, d'un soleil trop brutal, d'une lune trop insistante. Et ils retiennent les vents, qui, jouant dans leurs larges branches composent un air mélodieux, complainte savante des frères de la côte.

Une chose est sûre, ami, si tu passes à Amelune, n'oublies pas de t'arrêter un instant sur ces petites tombes, afin de rendre un hommage appuyé à ces frères de la flûte, morts pour avoir sauvés l'Harmonde. Tu peux même ô suprême bonheur leur jouer un air de fifre, afin de contenter leurs âmes de bateleurs, d'Harmonistes, d'Accordés et d'Inspirés. Et surtout n'ai pas peur, si tu vois parfois quelques étincelles qui sortent de terre par les nuits de lune blanche, ce ne sont que leurs âmes généreuses, qui t'offrent leurs flammes.

Mille bises

Gaëlle

_________________
Le rêve est la raison d'un seul
La réalité est la folie de tous


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