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Le secret d'Amelune I


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 Sujet du message: Le secret d'Amelune I
MessagePublié: 25 Avr 2008, 00:15 
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Safran
Safran
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Inscription: 17 Sep 2007, 06:50
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
Parfois même un lutin peut se révéler plus fort que les fils du destin. Aidé d'une fée noire, il peut devenir le chantre de l'Harmonde.

Elle les fixait à travers les feuilles. Un regard vert, captivant, animal. Eux, s'agitaient, inconscients, autour d'un arbre mort, qu'ils vénéraient au rythme des fifres et des flûtes.
L'arbre gisait, à demi consumé, frappé de plein fouet par un éclair blanc,
horizontal, terrifiant.
Jadis Perpetri'syl avait uni sa destinée à celui cet arbre. Un autre rituel, il y a si longtemps déjà.
Aujourd'hui il se sent orphelin, triste, étranger.
Masterni'syl, le Maître du village, tente encore de le raisonner.
Une dernière fois !
Déjà la lune fend, par intermittence, les hautes futaies des
chênaies. Grimaces grotesques, caricatures ubuesques, dénuées de
sens, les larmes de Perpetri'syl ne s'arrêtent pas. Il a un visage
simiesque, un large nez épaté, des yeux pétillants et malicieux, d'un
bleu de roche, transparents par instant, de larges oreilles rondes et
décollées, qui se détachent de son bonnet aux nuances sinoples. Une
barbe épaisse et fournie complète les traits de ce lutin d'ordinaire
si facétieux.
Lui regardait ses bottines. Elle, le regardait avec gourmandise ! Ils
étaient une trentaine du clan de `Syl, beaucoup d'hommes, maussades
pour la plupart, qui virevoltaient au rythme des instruments, sans conviction. Un feu de bois illuminait la clairière des clairvoyances.

Il se leva enfin. Il regarda en direction des bois alentours.

Elle se figea.

Il ne la vit pas, laissant errer ses yeux sur les arbres qu'il connaissait depuis si longtemps, son « chez lui », sa clairière, son clan, sa lutine. Il s'approcha d'elle. Elle était mince, plutôt coquette, semblait très douce. Elle se pencha, ils s'embrassèrent longuement. Les plus vieux prirent leurs bonnets au creux de leurs mains jointes, sinistres, émus, tristes. Ils se séparèrent, elle d'abord, puis tout le groupe. Il ne se retourna pas une seule fois, marchant, le dos courbé, les mains croisées derrière le dos,
et la tête basse.

Elle se réjouit.

La lune réapparut dès la lisière dépassée. Elle était mauvaise,cynique, bariolant le ciel sombre d'un sourire moqueur. Il ne la voyait pas de toute façon.

Elle était toujours aux aguets.

Il marcha de longues heures, jusqu'à croiser les premiers rayons de l'aube.

Triste, toujours, seul, toujours.

Elle le suivait, discrètement, sereine et hostile.

Quelques cavaliers surgirent sur la route, ils étaient pressés, et ne firent aucun cas de Perpetri. Oui, il avait quitté son clan, il s'était banni, et, de ce fait, n'avait plus le droit de porter le signe de son appartenance au clan `Syl. Cela aussi le rendait triste.
La ville, au loin l'effrayait, mais il savait, que la solution s'y trouvait encore, peut être, une dernière fois.

Elle attendait, patiente, qu'il révèle enfin le secret !
Elle savait qu'il la conduirait à la clé de l'énigme, tant de fois imaginée, et jamais divulguée. Maintenant Elle savait qu'abattre le grand chêne avait été une excellente idée. Usante mais bonne. Elle caressa machinalement ses danseurs, qui se blottissaient tout contre sa nuque.

Enfin !

Le soir tombait lorsque Perpetri entra dans l'enceinte de la cité portuaire d'Amelune. Ses murs glacés et froids lui paraissaient si étranges, presque terrifiants. Pourtant, sous la lumière nocturne, elle surgissait diaphane, auréolée des mille dévers de l'eau des toitures pointues, qui recouvraient chacun des niveaux.
Ainsi disjointe, mystérieuse, offrait elle ses ombres mouvantes au grés des chutes d'eau. On la voyait toujours différente, superbe, lointaine et
si proche à la fois. Comme glacée, par une sculpture changeante et
capricieuse, comme aspirée par une cascade débordante dans un
immuable concert de chutes d'eau.

L'impression de distorsion était un fait de la lumière blanche et crue de la lune, qui s'accordait si bien à l'âme de cette ville portuaire, rangée le long de l'Arnille.

La ville semblait être étagée, se répandant en cinq niveaux distincts, qui entouraient une place centrale au niveau des docks. De longues barques à fonds plats, amarrées, donnaient un aspect spectral à l'ensemble, comme la dorsale d'un saurien échoué dans les brumes insistantes de cet univers aquatique.

Perpetri passa les grands portiques sculptés par les gens de l'Équerre, les soldats, ne le regardèrent même pas. Il longea le large quai qui bordait l'Arnille, quelques halos de lumière dispensés par quelques rares lampadaires à lucioles, griffaient la brume opaque et froide, qui montait de l'eau. Dans ces larges volutes brumeuses, il imaginait les pires démons, quelques horribles Diables, qui le pourchassaient un instant, à la faveur d'un miasme de limbes.

Il pressa le pas, quittant avec soulagement le quai humide et ses pavés
froids, pour émerger sur la place centrale, de laquelle partaient de
chaque côté les larges niveaux des différents quartiers.
Les passeurs attendaient, patients, les retardataires. Ces dompteurs domptés d'Amalistres, véritables accordés à l'unisson des cascades
ininterrompues, musique de la ville. Il s'approcha de l'un de ces Sans Âmes.

- Bonsoir mon Ami, je voudrais aller au second niveau, soyez gentil de m'y conduire.

Déjà il sortait une pièce, tarif habituel pour ce genre d'ascension.

- D'abord, morveux, je ne suis pas ton ami, ensuite, tu ne me plais pas, alors va voir ailleurs, si j'y suis !

- Mais, comment, comment osez vous ? N'est ce pas là la première de vos tâche ? Faire accéder les visiteurs aux niveaux de la ville ? Comment osez vous m'interdire l'accès à celui des marchands ? C'est inadmissible !

- M'en fiche de tes jérémiades, va t'en !

- Et moi, me ferez vous monter ?

Elle était là, superbe, arrogante, unique. Ses yeux n'étaient autre que les écrins de deux superbes flammes de jade liquide. Elle était belle, si belle, sa chevelure entourée d'un magnifique madras aux teintes exquises, rappelant les nuances subtiles de l'automne. Une large cape maintenue en arrière de sa personne par ses mains posées sur ses hanches callipyges. Son corset arrogant maintenait fermement une poitrine généreuse et impudique, que les quelques onces de lumière dispensaient par la lune et les lampadaires, teintaient d'une nacre laiteuse et charnue. Enfin la silhouette était sublimée par une large jupe droite, qui recouvrait ses pieds nus. Mutine et fière, elle fixait le passeur de ses yeux charmeurs.

- Mais, mais bien sûr mademoiselle, c'est un grand honneur, pour ma modeste personne de vous accompagner jusqu'au second cercle, je
vous en prie, montez avec moi.

Mielleux et obséquieux, le larbin rampait devant la Dame.

Perpetri ne disait mots. Le souffle coupé par tant de beauté, il ne savait plus comment se tenir. Voyant son embarras, Elle lui sourit, cachant son regard derrière un petit éventail de soie noire.

- M'accompagnerez vous mon cher lutin ?

- Mais c'est que, enfin, oui, bien sûr, avec joie, Madame.

Le passeur maugréât quelques gargarismes étranges qu'il fut seul à
comprendre, et referma la porte d'osier de l'ascenseur.

Il retroussa ses manches, et ajusta ses gants. Puis, bandant ses muscles il hissa la corbeille sans s'arrêter jusqu'au deuxième palier. Durant l'ascension Perpetri regarda la rivière, scintillante sous la lune, que la brume masquait par endroit, pareille à une aquarelle.

Il sentait les fragrances capiteuses de la Dame, qui couvraient l'acidité de la sueur du passeur.

Elle n'avait pas baissé son éventail.

Adroitement, arrivant sur le ponton, tenant d'une main la corde, le
passeur envoya un anneau de corde sur un pieu de pierre. La secousse fut assez atténuée puis il rouvrit l'autre portière de la nacelle. Un
quai, une large place pavée, et les portes du niveau, ouvertes mais
gardées.

- Bien merci, mon brave, - Elle jeta une poignée de pièce à
l'homme avide, qui tendait les mains

Soulevant sa jupe, elle sortit de l'ascenseur, suivie par Perpetri.
Le passeur comptait les pièces, il semblait satisfait, et ne les vit
point s'éclipser vers les portes.

- Je vous remercie Madame, d'avoir eu la gentillesse d'intervenir
pour moi. C'est très gentil de votre part. A qui ai je l'honneur ?

- Pervicelle, mon ami, pour vous servir !

- Perpétri est mon nom, je me ferais une joie de vous rendre service.

- (entre ses dents) Mais oui, je sais que tu vas me rendre service
idiot petit lutin, (à haute voix) Cela n'est rien, vraiment, ce passeur était bien mal appris. Il sera puni.

- non, non, par la Dame, non, c'est inutile. Je suis à bon port, et c'est bien tout ce qui m'importe. Encore merci !

Les soldats saluèrent la Dame lorsqu'elle entra par la porte. Ils ne dirent rien au lutin, le voyant en si bonne compagnie.

Elle le regarda un instant. Ces yeux, qu'ils sont beaux !

- Bien, au plaisir Perpetri

- A bientôt Pervicelle, à bientôt.

Ils se séparèrent sur une place octogonale, au milieu de laquelle trônait une superbe fontaine, adossée à un pilier de pierre, qui rejoignait l'étage du dessus, comme le reliait celui du dessous. Étrange vertèbre de la cité. L'eau limpide et cristalline y jaillissait sans interruption.

Les belles demeures des marchands encerclaient la place et le grand Théâtre tenait la totalité d'un des côtés.

Quelques chaises à porteurs déambulaient dans les arcades sombres des venelles intérieures, loin de l'éclairage du centre de ce niveau. Plusieurs d'entre elles, sagement rangées dans un coin de la place, attendaient les clients pressés. Les marcheurs installés tout autour, jouaient et parlaient avec animation. Quelques gamins facétieux les houspillaient gentiment. L'un d'entre eux, grand, frusque, osseux, semblait donner des ordres à l'ensemble des petits morveux. Trois miliciens, accoudés au bar de la place, les regardaient avec grand intérêt.

Les rues étaient entretenues, pavées et éclairées.

Malgré l'heure tardive, les gens se pressaient dans ce quartier, venant de tous les étages, pour assister au spectacle du théâtre.

Perpetri s'engouffra dans les ruelles, il marchait vite, courant même parfois. Plus il s'enfonçait, moins les battisses ne semblaient cossues, plus les ombres augmentaient. Les gens se faisaient plus rares. Les quartiers ressemblaient à d'étranges cités disparates aux mille facettes, noyées en une grande ville. L'odeur était insupportable. Un mélange de poissons pourris, et de peaux tannées.

Il dépassa le lavoir des peaux de loutres, obliqua sur sa droite, dévala une petite traboule, prit sur sa gauche une plus petite andrône, pour se retrouver devant une porte cochère. Il se retourna, anxieux. Tout semblait calme. Personne ! Le bruit incessant des masses d'eau coulants le longs des toits pentus, le lointain aboiement d'un vieux chien, les miaulement des chats aux aguets.

Il entendait son cœur battre contre ses tempes alors qu’il frappait à l’huis.

- Qui est ce ? demanda une voix éteinte et chuchotante.

- C'est moi, Perpetri, je viens pour la petite flûte !

- Perpetri'syl ?

- Oui, jusqu'à hier c'était bien mon nom ma bonne dame, laissez moi entrer, je vous en prie.

Le bruit des loquets qui roulent contre le bois, le claquement sinistre d'une serrure, le grincement chaotique des vieux gonds, et la lumière tamisée d'une large placette.

Un visage ridé, scrutateur, spectral, qui s'encadre dans l'interstice. Un chignon ramassé à la hâte, des cheveux longs et gris, ayant depuis longtemps perdus leur faste et leur soyeux.

Et ces yeux presque éteints, tout auréolé de rouge, le rouge des ans contrastant avec les prunelles délavées d'un bleu presque sale. Le visage pustuleux, glauque, un nez trop long, trop fin, crochu à son extrémité,
l'esquisse d'un sourire mesuré sur les lèvres fines et usées, découvrant
quelques moignons d'une dentition précaire.

L'illumination d'un sourire, farce d'un rictus trop longtemps contenu, oublié presque peut être. Et cette odeur suave, capiteuse, sucrée, aux multiples saveurs exquises, mélange des nectars les plus purs, et cette larme, onde trop rare pour ces yeux trop vieux, qui coule doucement dans les rigoles des sillons d'une joue trop rêche, ridée par les années d'oubli.

- Entre mon petit, qu'il m'est plaisant de te voir !

La porte qui se referme, sourde, sur deux maigres corps qui s'enlacent, qui se cherchent, qui se retrouvent. Des larmes qui se rencontrent, douceurs acides et salées.

Derrière eux, sur la place, le silence se fait. La compagnie des petits flûtistes d'Amelune, au grand complet, regarde, intriguée. Qui donc peut valoir une telle marque d'affection de la part de la Maîtresse ? Les aînés se lèvent doucement, se dandinant vers le porche sombre. Tous éclopés par les labeurs d'une vie qui touche à sa fin.

- Mais c'est, mais c'est ….. Perpetri !!! Oui les amis, c'est bien lui !!!!

Seule, derrière la porte refermée, Elle note mentalement la localisation de l'issue. Un étrange rictus, mauvais, déforme ses lèvres si précieuses. Elle n'entend que la clameur sourde et chantante qui accueille, semble t il, le retour de l'enfant prodige.

Jamais il ne lui fut donné d'être aussi proche de sa victoire. Demain, dans deux jours au plus tard, Elle aura vaincu.

Il y a bien une dizaine de saisons, que la Cour des petits miracles n'a pas retentit d'une telle frénésie de rires, de joies, de danses, de ritournelles. Chacun danse, joue, et se flatte de l'arrivée de Perpetri. Les feux grégeois illuminent une allégresse sans pareille.

Les lutins de la petite flûte, dansent, crient, chantent, saluant leur frère des chênaies. Les uns jonglent avec des torches allumées, d'autres soufflent des jets de flammes à rôtir un minotaure, d'autres, enfin, plus nombreux, assis en tailleur, ou dansant dans de grandes farandoles, jouent une symphonie fluette, bourdonnante, entraînante, virevoltante, dont les innombrables notes, se fondent, s'assemblent en une douce et savante alchimie. Chacun semble s'accorder sur les autres, et les dizaines d'instruments créent une harmonie superbe.

Les plantes, en grand nombre sur la placette, s'agitent doucement, au rythme des refrains repris par tous. Les fleurs, qui avaient refermé leurs pistils odorants pour la nuit, les rouvrent surprises, dispensant une odeur suave, douce et entêtante jusque dans les moindres recoins. Le feu est ravivé par les souffles des lutins veilleurs, qui se mettent, eux aussi au diapason de cette fortune impromptue.

La petite cour des farandoles retentit de la joie des lutins, et on a même vu ce soir là, quelques anciens, ressortir, infidèles, les vieilles cistres, pour accentuer les notes cristallines de cette nuit de retrouvailles.

Perpetri, assis à droite de la fée, le cœur serré, assiste à ces marques d'affection avec bonheur. L'accueil de ses petits frères de la ville lui met du baume au cœur, et il se dit, qu'il en avait bien besoin. Son hôtesse lui tient la main, et ils se dispensent de parler, car certaines choses ne peuvent s'exprimer que par les âmes.

On lui offre un festin digne des grands princes des hautes forêts. Il mange avec appétit, devisant avec les uns, les autres, donnant des nouvelles du clan à ceux qui ont de la famille dans la grande chênaie. Les heures filent, la nuit s'étire complètement maintenant, et les prémices de l'aube sont bien proches, lorsqu'il aide Hummeline à rejoindre sa petite tour.

Elle va l'écouter, l'aider peut être, si elle le peut encore….

L'escalier de la tour est en branchage naturel, les marches ne sont, en fait, qu'une succession d'entrelacs de rameaux, où quelques feuilles dépassent encore, ça et là. Hummeline fait très attention de ne pas abîmer ces quelques touches de nature.

Perpetri n'a plus la même facilité à escalader ces marches, comme il le faisait jadis, lorsque sa tante, patiemment, lui apprenait l'Accord. Maintenant il doit s’aider des branches basses qui forment la rampe. Essoufflé, il arrive enfin dans la petite pièce qui sert de salle de travail à la fée noire.
Elle s'assoit la première, l'invitant à faire de même. La salle est parfaitement ronde, les murs circulaires croulent sous les livres, recueils et autres écrits, qui débordent de leurs étagères. Au centre, une table, une chaise, et deux chandelles, qui dansent sur les pierres noircies de la cymaise.
Deux larges portes fenêtres donnent sur un
moucharabieh qui surplombe la rivière en contrebas. Au delà, les montagnes, dans une dernière révérence, s'abaissent encore, jusqu'à épouser la mer.

Perpetri inspire avec avidité cette odeur familière, qui a bercé son enfance. Pot pourri sucré aux fragrances d'épices et de miel.
Une large cheminée épouse le galbe du mur, et son âtre dispense encore une chaleur trop rare, émanant des tisons rougeoyants. Un pouf, complète le mobilier, posé, au milieu de la pièce, entouré de livres ouverts et de petits lutrins.

Un guéridon nappé d'un brocart cyan porte une boule transparente, qui repose sur un trépied en métal forgé du plus bel effet.
Quelques cartes dispersées, un tarot sans doute, oubliées et
poussiéreuses.

Il se laisse tomber sur le pouf.

Poussant sa chaise, elle s'approche de lui, bienveillante. Elle se
penche et pose délicatement une main ridée sur sa tête nue. Elle
murmure une abstruse litanie, sémantique ancestrale des préceptes de
la pierre. Elle use de mancie, aussi, cela lui est si naturel.

- Mon petit, je vois que tu as beaucoup souffert au cours de ces derniers jours ! Comment se fait il que l'Arbre ait pu se briser ainsi ?

- Un éclair ma douce tante, un éclair et un formidable fracas. L'Arbre n'était plus, il reposait, terrassé, sur ses racines arrachées de Terre.

- Magie que cela, elle seule peut avoir eu raison de lui.

- Certes ma douce tante, mais nous n'avons rien vu.

- Alors tu veux essayer ? Est ce là le but de ton voyage ?

- Essayer ou mourir, ma douce Tante, j'ai perdu ma cédille
(*), et mon nom n'est plus rien. J'ai abandonné les miens, et j'ai laissé ma douce lutine. Aussi n'ai je plus rien à perdre. Le temps de l'ancienne prophétie que tu avais lu dans la boule monde est venu. Toi même tu le sais, et je t'implore de ne point m'en dissuader.

- Soit, tes idées sont claires, ton but te tend la main. Courage mon garçon, les jours à venir seront terribles pour nous tous.

- Je vois que depuis ce fameux jour, tu n'as pas repris la mancie ma chère Tante. J'en suis confus et triste.

- Il n'est plus temps de regretter, regardons vers demain. Suis moi.

Elle se leva, ragaillardie. Soudain le poids de ces longues années passées à attendre et à espérer venait de faire corps avec le but qu'elle devait atteindre. Elle en avait fait serment, il y a longtemps déjà.

Un nuage de papillons multicolores s'éparpilla à leur approche. Ils
quittèrent la pièce par un mince filet de lumière, que laissaient échapper deux grosses tentures aux couleurs sombres.

Ils entrèrent dans un petit réduit. Il y avait un escalier en colimaçon, qui semblait monter au sommet de la petite tour. Elle le précéda à nouveau. Ils arrivèrent ainsi sur un petit toit plat, sur lequel dormaient deux grosses gargouilles de pierre.

La ville du second niveau s'étalait à leurs pieds. Un inextricable dédale de petites ruelles, qui se rencontraient, s'écartaient, ou disparaissaient
à la faveur d'une ombre, d'un mur ou d'une arche. Quelques places
judicieusement sises, avec leurs fontaines, ou leurs lavoirs. Et la
grande et belle place du théâtre, avec sa colonne, sa fontaine, sa vie précieuse. Les lampadaires s'éteignirent à cet instant, les lucioles s'endormaient doucement, et les premiers rayons de l'astre du jour caressaient toitures et ruelles.

Joutes multicolores faites de nuances irisées par les reflets mauves de l'aube. La rivière, et plus loin, la mer, se maculaient de reflets espiègles, qui vibraient au rythme des flots. Les quais engourdis s'animaient lentement.
La ville s'éveillait. Un homme hurla une plaintive doléance du sommet d'une tour fine et haute, à quelques pas de la leur. Une mélopée lancinante, harmonieuse néanmoins, où les mots s'organisaient dans une prière aux âmes défuntes, à l'avènement d'une flamboyance, à la fin du terne et des non couleurs Une vieille complainte en faveur des Dames, chaque matin chantée par le muezzin et réveillant le
second niveau.

(*) Perdre sa cédille : Locution lutine. Perdre l'appartenance
à son clan, Ici il perd l'apostrophe et le nom de son clan ('Syl). C'est
l'épreuve la plus terrible qui puisse arriver à un Lutin.

Mille bises

Gaëlle

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Le rêve est la raison d'un seul
La réalité est la folie de tous


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