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J'ai fait l'amour avec le vent


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 Sujet du message: J'ai fait l'amour avec le vent
MessagePublié: 24 Avr 2008, 11:50 
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Safran
Safran
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
Certains marins de l’île du bout du monde racontent parfois dans les bouges enfumés des tavernes d'escales, la légende de la fille du Prince Ezyebeth.
Promise à un riche avenir, elle était amoureuse d'un fils de marin, apprenti sur un grand navire.
Ils s'étaient offerts leurs serments, dans le petit cimetière des marins morts en mer, sur les contreforts de la tourmente, une falaise noire qui abrite le château des Ezyebeth.

Mais son père avait d'autres projets pour elle, il souhaiter prendre possession de la fortune d'un de ses amis. Aussi organisa t il le mariage de sa fille avec cet homme deux fois plusâgé.

Mais la veille de son mariage avec ce noble âgé, ami de son père, alors qu'elle allait sur ses seize printemps, elle s'est offerte au vent, afin qu'il emmène les fragrances de son corps tout plein de désirs jusqu'au pont du navire sur lequel était son promis de coeur.

Symbole de l'amour éperdu, figure emblématique des marins, elle aperçu la grand voile carmin de ce fameux galion, qui était drossée sur les récifs par les vents de la terrible tempête.

On raconte que les vents ont porté les amants sur leurs ailes invisibles, afin de les unir avant qu'ils soient noyés.

D'aucuns prétendent que lorsque le corps de la belle a touché les flots déchaînés, loin, par delà les mers, le grand vaisseau a sombré au même instant, entraînant dans la mort les deux amants enfin réunis.


[...]


Par delà les reflets azuréens de cette mer démontée, aux relents d'encre noire, l'odeur forte de l'iode me coupe le souffle. Ma langue goutte un instant ma peau, salée de ces fines plaquettes blanches que laissent les embruns.

Mes longs cheveux flottent au vent, enragé depuis la veille, depuis cette lune rouge sang, qui s'est noyée dans l'obscur horizon maritime.
Ca et là les arbres claquent, ils gémissent, malmenés par les souffles impétueux qui cassent leurs ramures.
Les nuées opaques et basses glissent rapidement au dessus des flots, obscurcissant les contreforts du monde.
Je m'adosse à l'escarpe, je me livre toute entière aux assauts des vents qui tourbillonnent tout autour de moi.

Une vieille croix usée, s'échappe des soubassements terrestres, tombe et se fend.
Dualité.
Mes quelques linges légers frissonnent sous la bourrasque, ils se plaquent se dressent, claquent et se tendent, jouets d'un vent fripon.

Mes yeux pleurs, soumis trop longtemps à la fine poussière des vagues d'eau et de sel mêlés.

Ma peau me tire, je persiste, stoïque, tenant tête aux zéphyrs.

Au loin une mouette hagarde, hurle et tombe dans cette mer qui monte, qui monte. Bientôt elle envahira ces terres, les recouvrant d'un linceul glauque et malodorant, aux putrides odeurs de varech.

Au dessus de moi, le castel se dresse, imperturbable ! Ses murs usés par les fines gouttelettes immuablement rapportées des assauts de ces flots déchaînés, sont recouverts d'une couche blanchâtre.
Fiel iodé, fientes et poids des années.
Saisie, j'observe je voudrai voler, m'échapper de l'escarpe, du castel paternel, du joug tutorial, mais le vent ne me saisit jamais.
Je crie ma détresse dans ce monde déchaîné, qui casse les reliefs et barre l'horizon.
Mon cri s'étouffe, emporté par le vent avant d'avoir pu être porté par les ondes.

Impuissante !

Une tache de rouge, une goutte de sang, un éclat de vie dans cette vision d'épouvante. Je scrute à nouveau, interdite. Jamais aucun vaisseau ne s'aventure par delà la grande barrière de
Des mille récifs.
Jamais aucun rafiot non plus d'ailleurs. Seuls quelques passeurs, qui se comptent sur les doigts d'une main, tutoient les crocs violents de cette gueule béante.
Mon ruban se détache, il s'envole malhabile, tournoie un instant et se plaque contre les parois, là bas en contrebas.

Fil inconscient, dérisoire, aussitôt happé par les flots. Le carcan noir aux ourlets blancs brise à nouveau mon espoir.

Je ne volerai pas encore aujourd'hui.

La tache rouge s'élève, se déplie lentement, et s'avance, pareille à un cerf volant désarticulé, vivant de sa vie propre, loin des fils invisibles qui l'enchaînent toujours.

Il glisse sur les flots, ivre de liberté sans doute.

Je pleure, il se rapproche, il fuit l'océan, les vagues terribles, les creux sans fin.
Je l'observe bien mieux maintenant.
Un brocard rouge et or, qui flotte, gonflé et orgueilleux, jouet d'un vent violent qui le tourmente plus encore.

Un mat est accroché à la voilure qui file, guidant sa traîne de cordages inutiles, marionnette capricieuse. Elle se dresse, claque, s'affale et s'écroule là, à quelques mètres de moi, ecouvrant le petit cimetière de marins, ceux dont les corps n'existent que par ces sépultures, reposant à jamais au fond des océans.

Linceul rouge et soigné, vif à l'éclat d'or, étendu pieusement sur ces tombes d'infortune.

Je m'approche doucement.

Ma robe gonflée s'ouvre et s'étire, m'auréolant de blanc.

Les marins qui gisent là sourient ils, sans doute, devant l'innocence de ce sexe offert à la pluie et aux vents.

Muse troublante, sirène éphémère, gardienne pure et lissée.

Il change d'avis, refermant ma robe d'un souffle sec, comme surpris par sa propre audace.

Je m'agenouille devant cette voilure, qui, détachée de son galion perdu quelque part au large, vient, ironique, se jeter sur le trépas auquel elle a condamné ses enfants, ceux, qui, jusqu'à tout à l'heure, luttaient contre les éléments furieux, manoeuvrant à force de sueur cet écran de toile, lucarne de survie.

Rêche et usée, mais encore arrogante, la toile rouge est déchirée par endroit. Elle agonise, floquée par les courants d'airs capricieux, prisonniers sous l'étoffe, et qui la font onduler, une dernière fois, jouant avec sa superbe arrogance.

Je l'admire, elle ! Elle a su voler !

Je me drape en elle, me vautrant sur les tertres, dressés à la mémoires de ceux qui sont morts en mer, cachés à ma vue par le voile carmin trempé.
Luxure et volupté.
Ma peau se fige et ondule, la caresse est rude mais puissante, j'en ai la chair de poule.
Au loin les nuages noirs se rapprochent, ils accourent, cherchant querelle, tempêtant, claquant, tonnant. Ils grondent, fous de folie.

Je me redresse et je rie, je suis folle de rire, ici, dans ce cimetière. Je rie de plus belle, mes lèvres s'entrouvrent, le râle de mes plaisirs se fond dans les tourments de ce vent complice, qui enlève mes secrets plaisirs vers la haute mer.

Je m’offre à lui, sans retenue, libre et heureuse.

Ses caresses froides glissent sur mon corps brûlant, il me rend folle.

Je m'offre, impudique, à ses frôlement, ondoyant sous les assauts répétés de ces vagues de plaisir dont la houle trop longtemps contenue, inonde mes cuisses et ce draps écarlate.
Il me fait sienne, je suis à lui, sans retenue, sous les tropiques froids de l'escarpe.

Je ris à gorge déployée. Je retombe anéantie, heureuse, sur ces draps de soie rouge.

Au loin des hommes souffrent, hurlant criant pleurant priant, malmenés par l'esquif dont se jouent les flots déchaînés. Le rocher effleure la coque, la voie d'eau prend corps dans une gerbe de mer, elle envahit, elle tue, cruelle, elle s'accapare de quelques vies, dans une sourde jouissance, un orgasme pareil à celui qui m'a terrassée, quelques instants avant.

Je pleure maintenant, radieuse, ingénue perverse. L'orage casse l'horizon, le balafre, jetant des boules de feu, qui ricochent sur les flots déchaînés. Le mugissement du bois qui se tord, de la coque qui se rompt, offerte à son tour à la folie des flots.

Je regarde cette lente agonie, agenouillée, éprise, je sais qu'aujourd'hui encore la perfidie triomphe, je me lève hagarde à mon tour, enivrée par ces folles révélations.

Je m'approche du bord, la falaise, les flots, cette odeur écoeurante, elle m'a prise, je suis sienne, fille des gerfauts, le vent s’engouffre dans mes jupes, les noue, les dresse et les emporte dans un mugissement taquin.

Mon regard plein d’extase se perd dans les contreforts de l’escarpe. Loin là bas, je suis fille de la mer, fille du vent, il m’attend. Je ne suis plus prisonnière. Derrière moi le castel dresse sa haute stature sombre, dans le fracas de l’orage qui hurle tout contre les murs de vieilles pierres, qui se gonflement et craquent sous les assauts furieux des vents déchaînés.

Je n’ai connu que le vent, je ne veux plus rester dans cette prison.

Aujourd'hui c’est décidé, je volerai .....

Quelques grands albatros effrayés ont entendu mon ultime cri, souffle d’une délivrance trop longtemps entravée.

Seuls les chocs sourds de mon corps qui se perd sur l’abrupte falaise ont accompagné le rideau rouge des voiles de ma liberté. Un sang chaud et gluant qui mit longtemps à couler jusqu’à la houle funeste de mon dernier linceul.

Mais depuis ce jour, chaque fois que la lune est pleine, la marée devient rouge pareille à une grand'voile, et l'eau n'est plus que sangs mêlés des amoureux transis.

[...]

Mille bises

Gaëlle qui adore le vent ....

_________________
Le rêve est la raison d'un seul
La réalité est la folie de tous


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