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L'Equerrine I


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 Sujet du message: L'Equerrine I
MessagePublié: 24 Avr 2008, 11:10 
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Safran
Safran
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
—extraits—

Souvenirs d’Arminin lutin vagabond.

Je suis passé devant l’Equerrine. C’est une grande bâtisse, ses murs sont hauts et ses pentures escarpées. Les toits se terminent en tourelles à chacune de leurs extrémités, et sont bâtis de tuiles d’argile ou de terre cuite, d’un rouge profond. En discutant j’ai appris que la finalité de cette école est avant tout le génie, enfin quand je dis génie c’est plutôt en rapport avec les métiers de la pierre et de la construction. Il y a trois ateliers principaux pour former les apprentis. Ils sont environ trente à se perfectionner dans les Arts de la maçonnerie. Ils doivent exécuter un travail, qu’ils nomment l’Oeuvre, dans laquelle il leur est imposé de faire figurer toutes les techniques qu’ils ont apprises au cours de leurs compagnonnages. Ils ont tous parcouru tout l’Harmonde, et connaissent les subtilités du travail de la pierre de chaque région. Il y a trois nains vénérables, qui les accompagnent dans leur perfectionnement, se chargeant chacun d’une huitaine d’élèves. Les quelques derniers restants, sont éduqués par le Maître de l’Equerrine lui même, ils sont tous infiniment doués, mais personne ne les voit durant les années de leur apprentissage. Oeuvrent ils à créer quelques perfections par delà les tunnels. ??? Je n’en sais pas plus ...

— extraits—

Ce qui m’a le plus choqué, lorsque je suis arrivé de nuit dans le bourg d’Ardenceuil, c’est cette énorme bâtisse, imposante et austère, que semblent garder trois gargouilles géantes sises devant chaque bâtiment. Trois tours triangulaires, pyramides à quatre faces serait plus juste, juxtaposées en triangle, de manière à ce qu’elles délimitent en leur sein une cour triangulaire elle aussi, invisible de la rue. Chaque élément de l’école doit avoir une surface au sol de près de cinq cent cinquante mètres carrés, oui c’est assez précis, mais comme elles font plus de 30 mètres de côtés, et que le trois semble être la clé de voûte de cet univers, j’en ai déduit qu’elles faisaient, chacune, 33 mètres de côtés. Au sol il s’agit de triangles équilatéraux, elles se jouxtent sur près de trois mètres de haut,avant de suivre chacune une pente précise et identique jusqu’à leurs trois sommets, formant chacun comme une petite tour à l’espace plane, sur lequel une dizaine d’hommes peuvent tenir côte à côte, ou plutôt neuf (trois rangées de trois hommes). Elles sont hautes d’environ neuf mètres chacune. Quelques ouvertures trilobées et magnifiquement ciselées s’ouvrent sur la cour intérieure, l’ébrasement semble sculpté de hauts diables, jusqu’à l’imposte qui se termine par une tête hideuse afin d’éliminer l’eau de pluie. Chaque ouverture est bâtie sur le même principe. Les voussoirs sont sculptés eux aussi, mais du sol il est impossible de discerner les motifs. Les soubassements sont moins riches en apparence, quoi que j’y découvris plus tard les vestiges de quelques oves enlacées dans des rinceaux scabreux entre triglyphs, métopes, scoties et tores. Par une ouverture, j’aperçois un plafond en soffite, orné de rosaces mouvantes à la lumière vacillante de quelques candélabres. Quelques voûtes émergent ça et là de l’édifice, toutes plus belles les unes que les autres, entrelacs de liernes étoilées joignant le tierceron à la clef. Les douelles sont exquises, la ciselure est telle que l’on croirait de la dentelle. Les corbeaux sont taillés d’images cabalistiques étranges et hermétiques, tout comme les culées, les modillons et les pinacles. La cour doit être pavée, car les chevaux ont les sabots qui claquent lorsqu’ils se préparent à sortir.
A mon grand étonnement il n’y a qu’une ouverture, un large portail, qui semble étouffer sous la masse de l’ensemble. Il est taillé dans l’une des faces de la troisième pyramide, il donne sur la place. L’huisserie est de bonne facture, inhospitalière à souhait, et que dire des clés qui actionnent les lourds mécanismes, il n’y a pas de prisons dans tout l’Harmonde qui puissent se vanter d’avoir meilleures fermetures. Là encore deux colonnes supportent l’entablement de pierre. Du lierre semble courir des stylobates aux abaques, en passant par les astragales, les corbeilles et les fûts.
J’ai remarqué un démon ailé sur chaque architrave. Tous ces motifs rendent encore plus hermétique l’ensemble, pour le non initié aux Arts de la cyse que je suis. J’ai rendez vous demain avec l’un des trois illustres professeurs, qui m’a promis de me faire visiter l’intérieur de l’édifice.

Le lendemain matin, aux premières heures de l’aube, je suis devant la porte sombre de la troisième pyramide. Au loin derrière moi, la foire s’éveille sur la place, ce brouhaha familier me redonne du courage, mais j’ai la gorge sèche. Je fixe parfois la gargouille en pierre devant la porte. Elle semble immense, comme drapée, altière,dans ses ailes repliées. Il me semble qu’elle esquisse d’infimes mouvements, le ballet des ombres autour d’elle est inquiétant, fugace, surprenant. De petits rien saugrenus, le froissement d’une étoffe, le lointain cri d’un corbeau comme réponse lancinante, le scintillement d’une orbe cristalline baignant la cavité oculaire à demie fermée d’un reflet rouge .. sang, le bruissement du vent accaparant les feuilles mortes entassées derrière la statue, les pas bruissant d’un rat qui se faufile dans les arcanes des vieilles pierres, le grincement sinistre d’une chaîne, un seau qui claque en touchant le fond du puits de la place, les battements de mon coeur qui hurlent à mes tempes, et l’immensité de cette statue qui me domine toujours plus, brûlante intrusion dans mes chairs fascinées. J’essaye de me concentrer, de penser à autre chose, rien n’y fait elle est là, obsédante obsidienne noire et sang. Parfois les premiers rayons du soleil touche sa peau de pierre, on la dirait transparente, comme ces pierres nées des volcans, irisée de rouge sur fond noir. Elle me fascine, occupe tout entier mon intérêt, et rien d’autre n’a d’importance, je suis dompté, moi esprit de lumière, terrassé par une sombre pierre sculptée. Je sais que je l’ai froissée, elle n’aime pas ce mot ridicule, ce n’est pas une simple pierre, pardonne moi !

"Il est dangereux de s’aventurer si près de l’influence des gargouilles mon ami !

[Le voix rieuse met un temps infini à m’apparaître clairement, tant mon esprit est perturbé, noyé dans les abîmes déliquescents d’une introspection profonde. Je me sens humilié, je me croyais savant, drôle pour certain, mais n’est pas drôle qui veut, et me voilà réduit à rien devant cette masse informe. ô mille pardons, vestale arrogante.]

Mais, mais ce n’est là que pierre et beau travail d’artiste m’entendis je répondre en bégayant

Traitez vous avec autant de suffisance tout ce que vous ne comprenez pas cher ami ?

Pardonnez moi, je ne voulais pas .... [je sais qu’elle me regarde maintenant, elle parait terriblement puissante, je crois que je l’ai vexée] qui êtes vous donc ? J’attendais un nain d’âge vénérable, professeur de cette noble école, et je vois une magnifique jeune femme, aux yeux d’émeraudes et aux lèvres de miel ! Pardonnez moi, mais, vu mon âge, je peux me permettre certaines fantaisies, qui seraient sûrement jugées mal à propos ou inconvenantes si elles étaient faîtes par un être plus jeune [sourire] et je dois dire que j’use allègrement de ce privilège !

Messire Arminin, je suis votre guide. Je crains qu’il faille vous passez de voir nos frères de l’Equerre, ils se font très discrets, et n’aiment pas être déconcentrés. La première vertu que l’on apprends séant, est l’art de la concentration et du silence. Seuls les coups d’outils sur les pierres, ou les griffes des plumes lors des séances de doctrines, sont tolérées en Equerrine ; seules les voix des Maistres ont droit de cité, ainsi que celle de Mère Armione, et la mienne.[rires]

Une voix dîtes vous, une chant, une allégorie de l’Art à l’état brut, une perle !

Arrêtez, vous allez me faire rougir !

Savez vous mon enfant, que je crois fermement à un dogme ? L’ Art, quelle qu’en soit sa représentation, sa chimère, est un néant d’abstrait. Oui, je sais c’est étrange, mais c’est ainsi que je vois les choses. Et seule la Maîtrise de cet Art, dans son absolue quintessence, permet d’offrir aux autres le pouvoir d’en cerner le contour métaphorique ou symbolique. Enfin quand je dis d’en cerner, je devrai dire : le pouvoir d’en esquisser quelques bribes de contours ... Aussi, quand je vous dis que votre voix est une allégorie à elle toute seule, je veux dire qu’elle m’enchante, elle me permet de m’ouvrir à des sens qui me sont d’ordinaires interdits, de percevoir l’au delà du concret, d’entendre au delà du son, dans le néant des sens. Votre voix est donc Art à part entière, car elle n’est que l’enveloppe du message, la dimension symbolique n’est révélée que par la parfaite Maîtrise que vous avez de son intonation.

Je vous remercie, même, s’il est vrai, je ne sais si je comprends tout ce que vous dîtes.

Parfaitement, nous y sommes, vous comprenez sûrement ce que je vous dis, mais entendez vous ce que je vous dis ? Au delà du mot, les fragrances de néant qui l’entourent, et qui ne sont palpables que par les initiés de la verbe ? regardez ces fleurs, sont elles belles de par leur nature, ou de par ce qu’elles disent ou vous évoquent au delà de leur apparence intrinsèque ? Cette symbiose composée de vos poussières de savoir, de nature, de culture, c’est à elles que s’impose alors la retranscription de ce que vous souhaitez y voir. Mais cette douce alchimie est coquette, elle ne se montre pas toujours, elle dépend de ces mille petits riens de l’instant présent, à l’unisson de votre humeur du moment. Si celle ci n’est que perle de rosée évanescente, qui s’imprègne de notions aussi abstraites que amour, envie, joie, peine, tous ces petits riens de l’instant, qui vous permettent ou non de vous fondre avec le spectacle qui s’offre à vous, et qui vous tissent des passerelles complexes au delà des plans, afin de saisir l’Union magistrale de l’Art, d’entrer en résonance, de voir votre étincelle, d’être Inspirée. Un timbre, un son, un parfum, autant de clés à saisir pour appréhender l’au delà, le néant.... Si vous entrez dans cette union complexe, c’est que vous êtes en présence d’un Maître de l’Art, et qu’il a su vous faire partager le néant de ce qu’il fait, l’autre dimension, celle qui ne se livre jamais aux premiers abords, ce nectar évanescent qui n’existe que par delà l’origine, l’essence même des choses ? La vie !

Je dois dire que je m’attendais à trouver un être curieux qui ne souhaitait visiter notre École que pour en faire un rapport circonstancié dans un obscur registre administratif, ou une quelconque parution ordonnancée, mais je vois avec ravissement que vous seriez digne d’y entrer avec les honneurs et le respect que l’on doit à tout être inspiré de ce monde [.......] Je me nomme Arciferia, je suis très heureuse de vous accueillir Messire Arminin.

Et moi de vous connaître, je le suis d’autant plus que votre nom m’est familier très chère enfant. [où ai je bien pu entendre ce nom bon sang de bois, où était ce donc, si je me souvenais ..]

Suivez moi Messire Lutin, je vais vous faire visiter l’Equerrine.

Je lui emboîte le pas. Elle est belle, sa stature élancée parfaitement équilibrée lui donne un air aérien, une démarche légère, empreinte des atours des plus purs zéphires. Ses longs cheveux descendent en mille volutes friponnes de ses épaules jusque sur le haut de ses jambes. Elle a les yeux verts pastels, indéfinissables, une nuance subtile pâle et brillante tout à la fois. Son teint est pâle lui aussi, mais une pâleur sublimée par le manque total d’artifices, douce et vivante, pleine de chaleur, épanouie : naturellement belle. Elle a de longues bottes de peau souple, dont les sangles remontent jusqu’à ses genoux. Elles sont nouées avec soin, et les boucles sont égales entre elles, équilibrant par là même la longueur des lanières retombantes, qui dansent en osmose avec la cadence de ses pas mutins. Une ample robe blanche l’enveloppe, ceinte à la taille par une épaisse et splendide cordelière de soie rouge. Elle descend jusqu’au sol, mais deux larges fentes sur les côtés, remontant jusqu’à ses hanches, laissent deviner l’exquis dessin de ses longues jambes. Je perçois d’infinies fragrances suaves et enivrantes, pareilles à celles qu’apporte le vent des déserts keshites, mélange harmonieux d’épices et de pollens sucrés, douces perles de vie.

Le grincement de la porte est sinistre.
Intuitivement j’ai peur !

Le soleil naissant éclaire le passage sombre qui s’ouvre devant nous, allongeant les ombres sculpturales des quatre statues qui ornent les deux murs qui se font face. Le passage est haut, à l’image de la porte, il forme une arche en lancette, que le lourd linteau de la façade extérieure cache complètement. Le sol, parfaitement plane, est pavé de pierres multicolores méticuleusement assemblées, qui conduisent le regard vers la cour triangulaire d’une beauté saisissante. De nombreuses successions de queues de paons dessinent des volutes silencieuses, créant des arabesques surprenantes aux sens multiples et contraires, qui irradient des nuées de nuances, caressées par le soleil rasant qui s’engouffre par le passage encore ouvert. Chaque pavé semble choisi avec soin dans un granite chaque fois différent et taillé sur mesure pour créer l’illusion absolue d’un parterre peint. Le halo de lumière canalisé par l’étrange couloir frappe le pavage au hasard, méticuleusement ordonnancé par les architectes créateurs, libérant par là même une multitude de nuances, qui se heurtent, tourbillonnent, surprennent, glissent, se croisent, se chevauchent, se mêlent, se fondent, s’enlacent, s’effacent pour revivre un peu plus loin, bariolant le sol de danses étranges et éphémères changeant sans cesse, créant et recréant des univers magiques au teintes étincelantes et fugaces, rencontres du visible et de l’invisible, métaphores absolues des mille sens de la création, fusion des Arts les plus purs, les plus rares, les plus fous. Palette de couleurs flamboyantes, ballet initiatique, cette profusion de nuances est telle que le peintre le plus doué ne peut en utiliser le millième au cours de sa vie d’initié.

Comprends tu pourquoi j’ai souhaité te voir si tôt ? - murmure alors Arciferia - tu vois ici le premier enseignement de l’Equerrine : les Arts sont multiples, ne sois pas vaniteux au point de croire que ta maîtrise parfaite de l’un d’entre eux te permet de les contrôler tous, ni même de saisir les mille secrets de ton propre Art, celui à qui tu as voué ta vie. L’humilité est mère de sagesse !

C’est , c’est .... c’est merveilleux. Je n’imaginais même pas que Nuance soit mère de tant de couleurs, tant de subtilités chromatiques.

Vois tu Arminin, te voilà touché par la grâce de l’Art, si ce spectacle t’avait laissé indifférent, tu aurais montré que tu n’étais qu’un terne, et tu n’aurais pas été jugé digne de l’Equerrine. Ainsi nous savons immédiatement à qui nous avons à faire lorsqu’un visiteur se présente à la porte de notre école. Tes propos de tout à l’heure m’avaient déjà fait comprendre que tu étais un étincelant. Je ne sais pas quel est ton Art, mais je sais que tu es ici chez toi, c’est pour cela que j’ai transformé le ’vous’ stérile en ’tu’ cordial ! Frère je suis heureuse de t’accueillir en l’Equerrine. Maintenant si tu le permets, je vais te faire visiter l’école de l’équerre.

[ A SUIVRE]
Mille bises
Gaëlle

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