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Balafres et mise à terre IX


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 Sujet du message: Balafres et mise à terre IX
MessagePublié: 24 Avr 2008, 11:08 
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Safran
Safran
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Inscription: 17 Sep 2007, 06:50
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Localisation: Entre Vercors et Brocéliande
Le voile s’estompe doucement. Mille chemins d’une pensée malmenée, qui cherche encore un salut improbable aux folies de ses errances.
La peur ! Elle est là, diffuse, omniprésente, tissant ses méfaits nauséeux au sein des plus fortes charpentes.

Deux yeux perdus dans une introspection trop longue, âme malmenée par les sordides écueils de révélations trop sombres. Folle folie des Mondes, qui semblent si désorganisés dans l’ingérence mystique des larmes et de l’Ombre.

Quelle est cette faible lueur, par delà les horizons lointains ?
Trait de lumière opaque et blanche, qui semble ourler les noirs contreforts de mes perceptions les plus intimes, et qui appelle sans cesse, mon esprit torturé.

Peut être est ce là le Destin, à moins qu’il ne s’agisse de l’Espoir, qu’importe car il guide mes pas, et mes yeux ne le quittent pas.

Je vois en ces rêves comme en un miroir diffus, comme en un étang à l’eau claire et immobile, juste irisée de rides, malices d’un vent léger. Tout est là, presque palpable, juste un peu déformé, par le voile disgracieux.

Ces yeux qui me regardent, je les connais si bien, mais je ne discerne pas mon visage, il est comme noyé dans l’oubli intemporel des voiles évanescents de nos mondes cruels.

Circonspecte engeance, peurs ineffables et contraires, qui gouvernent ma vie, je voudrais tout lâcher, me retrouver chez moi, dans un confort serein, loin de ces folies où le doute m’assaille.

Seule contre tous, que vais je pouvoir faire, suis je seulement de taille à affronter ma prochaine rencontre ?

Je me perds dans les souvenirs, et me revois jadis, enfant peureuse et fragile, ce ruisseau que je n’osais franchir en un bond comme les autres.

Le rire de mes amis, qui se moquaient de moi, et ce regard complice, qui soudain m’avait saisie.
Jinkar !
Sans mots dire il s’emparait de moi, enveloppant mes peurs dans ces yeux amicaux. Sans un geste il apaisait mes craintes, et d’un sourire appuyé m’avait fait sauter le pas, semblant me défier pour m’offrir sa force et me faire découvrir les immenses possibilités dont j’étais capable.

Avec lui je grandissais, je m’affirmais, et d’amis d’enfance nous nous sommes rapprochés, jusqu’à devenir amants. Il était ma force, mon équilibre, l’autre partie de moi, celle que je découvrais parfois, et que je ne soupçonnais même pas.
Ses yeux et son rire m’auraient fait faire l’impossible, et, alors que mes larmes s’écrasaient sur mon sein, je me perdais dans cette frange d’opale, cherchant son regard, attentive à ce rire qui me manquait tellement.

Etais je seulement comme il l’aurait voulu ?

A force d’y penser je finis par le croire, et je voyais danser dans cette lame trop blanche, ses yeux de paix, qui m’aidaient, comme par le passé, à dépasser mes peurs, à transcender mon peu de courage pour réussir ces paris impossibles.

Nos regards se noyaient l’un en l’autre, et je savais maintenant que partout où j’irais, il serait avec moi, m’offrant tout son courage pour que je triomphe enfin, de ces folies absurdes, dressées sur mon chemin.

Doucement le calme se faisait en moi, les lames perfides des mers déchaînées ne drossaient plus leurs vagues sur les rives de mes drames, tout semblait se calmer, pour revenir à cet étang tranquille, et la bande blanche, là bas, au loin de mes errances, semblait gonfler, comme voile à bon vent.

Sans dégainer mon arme, je venais de gagner une difficile bataille contre mes peurs intimes, et je me reprenais à rêver de réussir ma mission, malgré les embûches et les folies mêlées des Mondes obscurs, vassaux d’un Masque toujours plus fort.

Et cette lumière bienfaisante qui chauffait toujours en moi, comme un éclat de chaleur perdu dans mon trépas.

Reprenant mes esprits, je regardais le livre, interdite, esseulée dans les couloirs d’ivresse de ce château alambiqué.

Je refermais mon sac, et alors que je me levais, le confortable fauteuil disparu aussitôt.

J’essayais vainement de me repérer, mais il y avait un tel dédale de couloirs, de portes, d’escaliers, de longues pièces au charme désuet et coquet, que plus j’avançais dans ce splendide palais, plus je me perdais dans ce labyrinthique monde aérien.

Tout me paraissait familier, il émanait de cet endroit un confortable bien-être envahissant, qui m’empêchait de réfléchir posément à tout ce qui m’entourait.
Je glissais dans ces majestueux couloirs, serrant mon sac tout contre moi, descendant d’innombrables marches allongées et gracieuses, taillées parfois dans un cristal bleuté, d’autres fois dans un métal orangé et prismatique.
J’ignore combien de niveaux j’ai traversé, m’arrêtant parfois pour reprendre mon souffle, mais l’atmosphère était lourde, et ma solitude pesante malgré la quiétude persistante.

Je me souviens avoir longé une véritable verrière imageant une forêt profonde aux mille éclats de verts provenant des mille éclats de verres qui composaient le vitrail.
Exquise marquise dédiée aux chênaies de nos amis lutins, elle reposait sur de longues colonnes de fer, où l’artiste avait forgé des nœuds et des veines multiples qui ne se rencontraient jamais, comme celles d’une écorce lointaine, en plein cœur d’un bois profond.
Composition étrange, superbe et magnifique, les coutures d’étain se rejoignaient en haut, formant un étonnant dôme qui recouvrait cette pièce chaude, aux murs desquels, des milliers de livres prenaient place dans les rayonnages surchargés de nombreuses bibliothèques.
Au centre, sur de grands tapis de laine et de soie aux tons verts, lutrins et tables de lecture jouxtaient de voluptueux sièges tout brodés d’or et d’argent. Plusieurs piles de livres semblaient attendre, à même le sol, quelques mains caressantes, enthousiastes et aimées.
Les coussins moelleux étaient autant d’invites discrètes à un lent apprentissage des secrets jalousement entreposés au sein de ces alcôves, long savoir patiemment assemblé.

Je regardais les titres, distraitement. Ils traitaient de tous les sujets de l’Harmonde, de l’architecture de l’Equerre jusqu’à l’histoire des royaumes, en passant par de nombreux atlas, et des livres plus rares parlant de philosophie, de mancies ou de poésies.

Soudain mon œil fut attiré par un trou dans cette masse de volumes tous bien rangés. Un petit espace vide, dans lequel devait prendre place un recueil aux dimensions réduites.
Intriguée je m’approchais, regardant les autres titres. « Traité d’escrime et maniement des rapières », « De la rapière aux épées, coups et bottes uniques », « Epées magiques et sorcellerie », « Rapières enchantées », « Epées de lumière, épées abyssales », « Ombre, Arts sombres et Ténèbres appliqués aux épées », « Epées et endorine », « Utilisation des simples en accord avec les armes », « Enchantements et poisons » ….

Je regardais sur les lutrins, mais les livres, grand ouverts ne traitaient pas de ce sujet. Les tables ne supportaient aucun livre de cette dimension.

Rien d’autre pourtant ne semblait manquer.

J’aperçu dans un angle de la bibliothèque un grand rayonnage qui restait dans l’ombre.
A bien y regarder, les vitraux avaient été conçus pour laisser cette partie de la pièce dans une sorte de pénombre perpétuelle.

Je m’approchais des rayonnages, de grands livres anciens étaient parfaitement alignés offrant à mon regard inquiet leurs tranches noires sans titres ni fers.
J’en sorti un totalement au hasard, et l’ouvris avec précaution, le posant sur un lutrin noir tout à côté.
Il était lourd et devait mesurer quatre fois plus qu’un livre ordinaire.
Sur la première page était écrit en grosses lettres enluminées : « Le Cercle Ecarlate – Principes et Postulats des grandes voies magiques »
Les encres utilisées étaient brillantes, je n’en avais jamais vu de telles, bleues, jaunes, rouges, noires elles semblaient donner vie aux mots dont elles esquissaient la silhouette avec grâce.

Eblouie, je me sentais prise dans un vertigineux élan, qui m’obligeait à dévorer les lignes de ce drôle d’ouvrage.
Les pages se tordaient sous les pâles éclats de lumière qui tombaient des vitraux, fort opaques au demeurant, situés juste au dessus de ce lutrin d’ébène.

D’abord une cité tentaculaire, aux mille ruelles entremêlées, au delà d’une place centrale. Un palais semble être le centre du cœur de la ville. Les autres quartiers sont regroupés dans d’autres cercles étranges.

Je reconnais ce palais, mais ici il est dépouillé, presque nu. Je suis dans une exèdre et quelques hommes semblent essayer de trouver un terrain d’entente. Ils sont assis autour d’une table de pierre, et discutent fermement.
Quelques autres, obèses, suivent la scène sans y prendre part, essuyant parfois leurs fronts suants avec un mouchoir blanc.

Ils parlent d’invocateurs, d’ambassades, de connivences et tissent les destins futurs de cette étrange ville.

En bout de table un homme au visage d’adolescent semble sourire derrière son masque inébranlable quelque peu austère.

En face de lui les gens s’enhardissent et élèvent la voix. Les intrigues sont contraires, dans les arcanes de cette sombre cité.

Un vieil homme légèrement à l’écart, mélange des encres à des pigments odorants. Puis il pique son doigt avec une dague fine en argent. Il s’applique à verser quelques gouttes de son sang sur ces encres colorées, et scrute le visage sévère du jeune homme en bout de table.

D’un imperceptible acquiescement de la tête, celui ci l’autorise à répandre ses mancies.

Il se lève alors, avec difficulté, et se met à dessiner avec ses encres étranges, la silhouette d’une ombre, sur le sol glacé.

Puis il se relève, alors que les autres lui crient d’arrêter.

Je ressentis le miasme de cette vague de Ténèbre qui vérola l’atmosphère, alors que se dessinait la silhouette éthérée d’un gigantesque Diable.
Peu à peu la vision s’affirma, et je regardais incrédule cet immense personnage, au corps noir, sculptural et musclé, dont les yeux d’un rouge terrifiant crépitaient pareils à des flammes, qui devait venir d’un empyrée abyssal.
Une vague d’effroi saisit les participants, qui essayèrent de se ruer vers la porte fermée.
Seul le jeune homme, en bout de table observait, sans sortir de sa réserve, sans même se lever comme s’il avait déjà tout deviné.
Soudain d’autres diables plus petits surgirent devant les portes, armés d’épées et de griffes démesurées. Deux grandes cornes noires surgissaient de leurs têtes allongées, et leurs yeux de braise fixaient les insurgés.
Un gros tomba, et loin de ses médecins, mourut presque aussitôt dans des spasmes violents qui régalaient le grand Diable.

Le jeune homme sauta sur la table et cria. Tous se figèrent, écoutant cet homme qui ne cédait pas à la panique.

- Ainsi avez vous essayé de pactiser avec Noxe, mais je suis le plus fort, il est temps que vous l’appreniez. Aujourd’hui je vous offre une chance, qu’il vous faut saisir, vite, car elle ne se représentera pas. Alliez vous avec l’Ombre, et revêtez vos masques, faisons de cette ville un no man’s land utile en ces contrées inhospitalières, en retrait des manigances et des guerres intestines. Erigeons des ambassades, et faisons de cette ville un état à part entière, où nous accepterons les habitants des Abysses, que nous pourrons conjurer en échange de quelques menus services. Imaginez la force d’une telle entreprise, un bastion inébranlable dans ces mondes houleux, refuge secret des diplomaties et des magies ultimes, vous avez tout à y gagner !


Il ouvrit alors un livre, alors que les autres se rasseyaient, et trempant sa plume dans son propre sang, il signa la charte qui créait la cité d’Abyme.

Puis faisant passer le livre, il regarda les autres notables, terrorisés, signer à leur tour.
Savourant son plaisir, il reprit le livre, et l’apporta au grand Diable, lui intimant l’ordre de garder à jamais ce vénéneux traité.

Puis tout rentra dans l’ordre, on débarrassa le gros, et le concile reprit dès que les diables disparurent.
Le vieil homme referma ses encres, et les rangea soigneusement dans son sac élimé.
Avait il déjà compris, qu'en conjurant ce dignitaire abyssal, il avait signé sa fin ?
Alors s’approchant de lui, l’adolescent lui coupa la tête d’un seul geste précis.

Advocatus diaboli, maintenant tout est fini….

Je refermais le livre brusquement, comme pour chasser cette douloureuse image, et restais là quelques temps, interdite. Je ne savais pas quel enseignement tirer de ce que je venais de voir, mais je discernais quelques vérités cachées auréolées d’un sombre halo d’incertitudes, à la couleur du sang !


Mille bises

Gaëlle

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Le rêve est la raison d'un seul
La réalité est la folie de tous


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