Souffre-Jour.com
http://www.souffre-jour.com/phpbb2/

Démons et des masques
http://www.souffre-jour.com/phpbb2/viewtopic.php?f=30&t=731
Page 1 sur 1

Auteur:  Gaëlle [ 24 Avr 2008, 10:51 ]
Sujet du message:  Démons et des masques

Il est des jours étranges, où le jour n’est pas tout à fait le jour, pas tout à fait la nuit. Un temps rare, où s’arrête le temps. Au delà des grandes voiles diaphanes, des limbes éthérés, des mornes volutes agonisantes, au delà des astres, des mondes, des âmes, notre contemplation s’échoue, et perd ses grands préceptes.
Irréelle frontière aux suaves relents des vagues de nos sommeils d’enfants, s’échouant sur la grève alanguie de nos jours, de nos rêves, de nos peurs. Parfois vérité et mensonge s’épousent, un instant, par la grâce de nos éphémères certitudes.

C’est alors, dans ces rares marécages hétéroclites, que se perdent les méandres de nos mémoires incertaines, que naissent les songes, et se fabriquent les légendes.

Le grand étang est calme.

Perdue à jamais dans les mille canaux des grands marais d’Urguemand, la barque noire à fond plat avance, seule, immobile et rapide, au cœur de nos épouvantables récurrences.
Ca et là quelques mats miséricordieux dressent leurs têtes altières au dessus des eaux, vestiges des guerres lointaines et des agonies cyniques.

Combien de statues finissent elles ici, dans les bas fonds mouvants des étangs de Farmence ?

Le grand Neuvêne ! Emblématique avatar des passions d’outre tombe, tué par son frère, meurtrière folie dirigée des arcanes.
Gardien des superstitions ancestrales, taillé mille fois dans toutes les essences des arbres de nos forêts, statues grotesques ensevelies dans le temps et la vase, gisent au quatre coin de ces marais saumâtres.

Elle file trop vite, au milieu des ajoncs et des roseaux précoces. La gaffe plonge dans l’eau, va, vient, ressort, hésite un instant et replonge à nouveau, sous le geste auguste du passeur.
A l’avant, seule, désemparée, la Dame attend le verdict de la vindicte. Son sort est déjà joué, loin de cet étang putride, aux miasmes amers des reflets de ses larmes. Jetée sans ménagement dans une longue toge bouffante, à la blancheur immaculée, blanc seing d’une allégeance ancienne signée avec son sang,

Elle glisse, triste et seule vers son destin certain, que lui ont tracé les hommes. Habillé tout en noir, le passeur est habile à manœuvrer l’esquif.

Au loin, là bas, une île, vestige perdu d’une civilisation ancienne. Dans le fond de la barque la lame de la hache luit doucement.

Saccades orchestrées, il se saisit de la Dame, et l’oblige à descendre sur cette île magique.

Là il la jette, incrédule, sur le billot de chêne ; Elle restera longtemps, agenouillée, priant, attendant que la hache s’abatte sur son cou trop fin, trop blanc, fendant une nouvelle fois le bout de bois déjà tout taché de sang.

Le bruit mat de la hache qui vacille, un instant, partagée, folie des mondes qui viennent frapper à notre porte.

L’envol des oiseaux noirs, au moment où l’écorce se fend, se brise, et le sang bouillonnant qui infiltre la souche, déborde, sève nouvelle, et coule le long du tronc pour se répandre dans les joncs mouillés.

La tête roule, protégée par la grande capuche, éphémère armure, linceul des pauvres damnés.
Dans ses yeux à jamais ouverts, sur une éternité éthérée, il regarde, ahuri, sa terrible hache, amie complice et fidèle depuis tant d’années, qui lui tranche la gorge sans égards, animée par la vanité asservie de sa folle destinée.

Ultime destin aux desseins masqués, fulgurante et tranchante, la lame aimée animée par la folie éperdue des damnés, à jamais infidèle, obscure témoin.

L'automne ne meurt jamais !

Démons et des masques !

Mille bises

Gaëlle

Page 1 sur 1 Le fuseau horaire est réglé sur UTC+1 heure [Heure d’été]
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
https://www.phpbb.com/