Songe Ophidien
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Songe Ophidien
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Parue en 1999, cette nouvelle nous conte la jeunesse d'un personnage devenu célèbre grâce aux Chroniques des Crépuscusculaires. Le but de cette anthologie de Stéphane Marsan était en effet de réunir des nouvelles se déroulant dans les univers les plus connus d'auteurs de Mnémos, tout en nous faisant découvrir également de jeunes auteurs. Pour Mathieu Gaborit, ce fut évidemment l'Harmonde des Crépusculaires.

Légendaire


Au coeur des Terres Veuves, royaume des Crépusculaires, s'étendait le domaine de la famille Adelmio. Nichée sur les contreforts des monts Aigrefins, une vaste demeure de pierres blanches abritait les membres de cette famille. L'un d'eux était une petite fille, âgée de sept ans et baptisée Eyhide.

Ce matin là, cette enfant tremblait en dépit de la chaleur qui régnait dans sa chambre. Entortillée dans un drap blanc, elle songeait à cet homme, ce carabin au visage pointu qui s'entretenait avec sa mère dans la pièce voisine. Elle était malade, oui, cela ne faisait aucun doute. Des frissons secouaient son corps osseux et poissé de sueur. Il lui semblait ne pas avoir dormi depuis des jours, être restée là à regarder ses jouets et la vaste toile suspendue au mur, en face de son lit. Une toile... et une histoire, l'histoire de sa famille. Le tableau représentait sa grand mère, un portrait en pied où elle figurait debout, dans un costume noir, appuyée sur une canne et flanquée de ses chiens. Le regard de la vieille dame poursuivait Eyhide jusque dans ses rêves. Elle la voyait ricaner et frapper l'échine de ses chiens en hurlant: " Petite fille indigne ! Tu veux qu'ils meurent, n'est ce pas ? Comment as tu osé, hein ? Faire ça à ta propre grand mère ? "

Eyhide se réveillait toujours lorsque la canne finissait par achever les pauvres bêtes. Ses yeux s'ouvraient dans le noir, elle sentait son coeur cogner dans sa poitrine comme un petit animal. Et pour chasser ce cauchemar, elle fermait les poings et se forçait à songer au passé. Elle s'imaginait dans le jardin, sous les branches des oliviers. Elle cueillait du jasmin pour le souper, pour décorer la grande table dressée à l'ombre des arbres. Et puis, elle jouait avec Gouve, le fils du forgeron. Ils se poursuivaient jusqu'au bas de la colline et avant que les cloches sonnent l'heure du repas, ils se baignaient dans l'eau claire de la rivière.

Une larme perla au coin de son oeil. Le carabin avait interdit qu'elle sorte ou même qu'elle quitte le lit. Elle se sentait si seule, si cruellement mise à l'écart. Son sourire avait disparu, ainsi que son humeur souvent joyeuse et toujours espiègle. Elle n'éprouvait plus le besoin de jouer, de courir dans l'herbe roussie par le soleil.

Elle repoussa le drap, il faisait trop chaud. Les murmures s'échappaient toujours par la porte qui communiquait avec le salon. Sa mère paraissait si inquiète... Pourquoi ne venait elle pas ici pour la prendre dans ses bras ? Les poings fermés, elle se frotta les yeux pour effacer les larmes qui coulaient en silence. Non, elle ne voulait pas pleurer, pas devant sa mère.

Maman ? appela t elle.

Dans le salon, les deux adultes se turent.

Maman ... , répéta Eyhide.

Qu'est ce qu'il y a, ma chérie ? lança sa mère.

L'enfant ne répondit pas. Une chaise grinça sur le plancher et elle entendit distinctement la voix du carabin soupirer:

Vous ne devriez pas céder à ses caprices.

Sa mère apparut sur le seuil de la chambre

Ma chérie, que se passe t il ? s'enquit elle.

Elle portait un vêtement sobre et élégant, une robe noire au décolleté carré serrée à la taille. Couverte d'un chaperon grisé, son visage ovale paraissait si soucieux qu'Eyhide sentit les mots s'étrangler dans sa gorge.

Oh, ma petite... fit sa mère en venant s'asseoir sur le bord du lit. Ne t'inquiète pas, tu seras debout très bientôt.

Elle posa une main sur le front de sa fille. L'enfant tressaillit.

Ce n'est rien. Une fièvre tenace, voilà tout. D'ici quelques jours, nous partirons à Sertelli. Tu verras tes cousines et tu profiteras du climat. Ça te fait plaisir ?

Eyhide adorait Sertelli, cette grande propriété qui dominait la vallée, les torrents qui coulaient à proximité et surtout les bergers qui venaient avec du lait sucré et jouaient de la flûte sur les terrasses. Mais elle ne voulait pas que sa mère croie que la perspective d'aller à Sertelli suffisait à la rassurer.

C'est d'accord ? ajouta sa mère.

Le visage fermé, Eyhide fixait le plafond et les lambris de stuc qui la faisaient rêver comme les nuages. Pourquoi sa mère ne lui disait elle pas ce qui se passait ? Pourquoi devait elle discuter à voix basse avec le carabin ?

Qu'est ce que j'ai fait ? chuchota t elle en jetant les bras autour du cou de sa mère.

Rien, ma petite, rien du tout, fit cette dernière en la redressant pour la serrer contre sa poitrine.

C'est pas vrai.

Ne dis pas cela. Ce n'est pas de ta faute.

Grand mère dit que si.

La voix du carabin empêcha sa mère de répondre:

Laissez la, dame Adelmio. Je vous répète que ce mal est inconnu, qu'il pourrait être...

Taisez vous ! le coupa t elle. Et retournez au salon.

L'enfant jeta un regard par dessus l'épaule de sa mère. Un corbeau... Le carabin ressemblait à un corbeau. Elle le détestait, lui et ses mains moites qui palpaient son crâne avec des petits grognements. Mais ce qu'elle redoutait le plus, c'était sa glotte. Si saillante que l'enfant craignait qu'un jour ou l'autre, la pomme d'Adam ne déchire la peau et roule sur son corps. À chaque fois qu'il se penchait sur le lit, elle lorgnait son long cou, le drap remonté jusqu'au menton.

Bien, dame Adelmio, salua t il en refermant la porte.

Je l'aime pas, dit Eyhide.

Je sais, ma chérie. Mais il ne veut que ton bien.

Pourquoi il reste si longtemps ?

Pour que tu puisses te rétablir plus vite.

 Il sait pas ce que j'ai ?
 
L'enfant sentit le corps de sa mère se contracter.
 
Si il le sait. Mais... mais il ignore encore quel est le meilleur moyen d'en venir à bout. Écoute moi. Tu te souviens quand Gouve a été malade ?
 
 Oui, répondit Eyhide.
lI n'est pas sorti de sa chambre pendant une semaine. Et c'est un humain, un garçon qui n'est pas comme toi. Nous sommes différentes et lorsque nous sommes malades, le carabin doit faire très attention. Tu comprends ?
 
Alors, c'est plus long parce que je suis...
 
-Parce que tu es une méduse.



 
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La Gazette du satyre Alraune

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